De violents combats ont fait jeudi 39 morts parmi les rebelles et les forces progouvernementales aux portes de Hodeida, dans l’ouest du Yémen, au deuxième jour d’une offensive visant cette importante ville portuaire, qui fait craindre une interruption de l’aide humanitaire.
Cette question préoccupe la communauté internationale et doit être au centre d’une réunion jeudi du Conseil de sécurité qui craint que l’offensive en cours aggrave une crise humanitaire que l’ONU considère comme la « pire au monde ».
Selon des sources militaires et médicales, les combats se sont déroulés à 2 kilomètres de l’entrée de l’aéroport de Hodeida, à la sortie sud de cette ville, dont le port est crucial pour l’acheminement de l’aide humanitaire dans le pays.
Trois hélicoptères d’assaut Apache de la coalition militaire menée par l’Arabie saoudite en soutien au gouvernement yéménite sont intervenus notamment contre les insurgés, ont indiqué les sources militaires.
Les rebelles Houthis ont opposé, selon ces sources, une résistance farouche aux forces progouvernementales. Leurs tireurs embusqués ont tué ou blessé de nombreux soldats, selon des secouristes.
Un correspondant de l’AFP à Al-Douraïhimi, au sud de l’aéroport de Hodeida, a vu des ambulances évacuer des morts et des blessés progouvernementaux et des renforts loyalistes se diriger vers la ligne de front.
D’après l’agence officielle saoudienne, les forces yéménites loyalistes ont réussi à « libérer des zones stratégiques dans le secteur d’Al-Douraïhimi et les environs de l’aéroport après avoir enfoncé les lignes rebelles ».
Selon le Conseil norvégien pour les réfugiés (NRC), les habitants de Hodeida restent confinés chez eux alors que le bruit des bombardements semble de plus en plus proche.
– Port ouvert –
La coalition dirigée par Ryad intervient au Yémen depuis mars 2015 pour aider le pouvoir du président Abd Rabbo Mansour Hadi à stopper la progression des rebelles Houthis qui occupent de vastes régions dont la capitale Sanaa.
Dans cette guerre qui a fait près de 10.000 morts en plus de trois ans, la bataille de Hodeida est la plus importante depuis l’offensive de l’été 2015 qui avait permis aux forces progouvernementales de reprendre aux rebelles plusieurs régions du sud du pays dont Aden, la deuxième ville du pays et siège actuel du pouvoir.
Le grand port sur la mer Rouge, point d’entrée d’une bonne partie des importations et de l’aide humanitaire en territoire yéménite, constitue un enjeu stratégique.
Le port reste ouvert en dépit de l’assaut, a indiqué à l’AFP le directeur Daoud Fadhel.
Mercredi, les Houthis ont affirmé via leur chaîne de télévision Al-Massirah avoir touché un navire de la coalition avec deux missiles au large de Hodeida. Cette information n’a pu être confirmée de source indépendante.
Cette coalition menée par Ryad a, elle, indiqué jeudi que la défense antiaérienne saoudienne avait intercepté dans le sud du royaume un missile balistique tiré d’une zone rebelle au Yémen. Aucune victime n’a été signalée.
– Conséquences « catastrophiques » –
Avant une réunion du Conseil de sécurité à l’initiative du Royaume-Uni qui a demandé à ce qu’elle se tienne à huis clos à 16H00 GMT, les deux piliers de la coalition -l’Arabie saoudite et les Emirats arabes unis- ont tenté d’apaiser les craintes sur l’aide humanitaire.
Des « ponts aérien, maritime et terrestre » ont été prévus pour assurer l’acheminement de cette aide, ont-ils affirmé mercredi à Ryad lors d’une conférence de presse conjointe d’Abdallah al-Rabeeah, qui dirige le Centre roi Salmane d’aide et de secours, et Rim al-Hachémi, ministre d’Etat émiratie à la Coopération internationale.
L’émissaire de l’ONU pour le Yémen, Martin Griffiths, a lui appelé à « la retenue » en soulignant être en contact avec « toutes les parties concernées pour négocier des arrangements ».
Il a reçu le « soutien vigoureux » du secrétaire américain à la Défense, Jim Mattis, pour qu’il amène « à la table négociations toutes les parties du conflit », selon un porte-parole du Pentagone.
« Cette impasse (politique) doit cesser. Il est clair que la situation sur le terrain doit changer pour que le processus politique dirigé par l’ONU fonctionne », a souligné dans un communiqué Anwar Gargash, le ministre d’Etat émirati aux Affaires étrangères.
Mercredi, des ONG internationales ont estimé que l’assaut sur Hodeida « aurait probablement des conséquences catastrophiques sur la population civile », dans une lettre au président français Emmanuel Macron.
Elles ont dans ce contexte jugé « inconcevable » de maintenir une conférence humanitaire sur le Yémen prévue fin juin à Paris. Mais la France a réaffirmé son souhait d’organiser cette conférence.