DAKAR – « On n’a jamais vu une dette cachée de cette importance en Afrique. » La sentence est tombée, jeudi 6 novembre, de la bouche même d’Edward Gemayel, le chef de mission du Fonds monétaire international (FMI) au Sénégal. Un verdict économique qui suspend, pour l’heure, la conclusion d’un nouvel accord de prêt tant attendu par Dakar. Le montant de cette dette dissimulée ? Près de sept milliards de dollars, accumulés entre 2019 et 2024 sous la présidence de Macky Sall.
À l’issue de deux semaines de discussions intensives, le constat est sans appel. Cette révélation « complique les choses », admet le représentant du FMI, justifiant l’incapacité à boucler les négociations entamées en août dernier. Les équipes vont devoir poursuivre leurs travaux à distance dès la semaine prochaine, bien que l’institution affirme son engagement à parvenir « rapidement » à un accord.
Les conditions du FMI : transparence et réforme
Pour débloquer la situation, le FMI pose des conditions préalables claires. Il exige la mise en place de mesures « correctrices » pour empêcher toute répétition d’un tel scénario. Parmi les réformes demandées : la centralisation de la gestion de la dette sous l’autorité d’un seul ministère et la publication intégrale des résultats de l’audit des arriérés.
L’analyse de la viabilité de la dette sénégalaise, menée conjointement avec la Banque mondiale, patine face à l’ampleur des découvertes. Cette étape est pourtant cruciale : elle déterminera si le fardeau de la dette reste soutenable pour l’économie nationale.
Une tempête financière qui s’annonce
Pour le Sénégal, ce blocage est un coup dur. L’absence d’accord avec le FMI risque d’aggraver une situation financière déjà précaire. Le pays a vu sa note souveraine dégradée à trois reprises en un an par l’agence Moody’s, qui pointe du doigt « l’augmentation des risques concernant la trajectoire d’endettement et la situation budgétaire préoccupante du pays ».
Le ratio d’endettement, désormais chiffré à 132% du Produit intérieur brut, illustre l’urgence de la situation. Edward Gemayel tente de tempérer les inquiétudes : « Il est rare qu’un nouvel accord soit finalisé après une première visite ». Selon lui, un dénouement pourrait intervenir « dans quelques semaines », sans toutevers s’avancer sur un calendrier précis.
Cette révélation d’une dette cachée sans précédent marque un tournant dans la gouvernance financière sénégalaise. Elle expose au grand jour les failles d’un système qui a permis, pendant cinq ans, d’accumuler dans l’ombre un endettement massif, ébranlant la confiance des partenaires internationaux et hypothéquant la marge de manœuvre économique du pays.
