Trente ans se sont écoulés depuis les massacres de Tumba, mais la justice française a enfin scellé le sort de Sosthène Munyemana. Ce jeudi 23 octobre, la Cour d’appel de Paris a confirmé sa condamnation à 24 ans de réclusion criminelle pour génocide, crimes contre l’humanité et complicité de génocide. Les juges ont souligné que Munyemana « s’était inscrit dans la politique génocidaire en y adhérant et en y prenant une part active, intellectuellement et matériellement ». Sa peine de sûreté, initialement de huit ans, a été portée à 12 ans, signe de la gravité des crimes commis.
Le plus vieux dossier français sur le génocide rwandais
Dès septembre 1994, Munyemana avait fui le Rwanda pour s’installer dans le sud-ouest de la France, où il reprenait sa carrière médicale. Mais dès 1995, une plainte était déposée à Bordeaux. Les survivants du génocide le surnommaient déjà le « boucher de Tumba », rappelant son rôle dans les massacres et son influence dans la communauté de Tumba.
La procédure a duré trois décennies, marquée par des investigations longues et complexes, des rebondissements judiciaires et des débats passionnés. En première instance, le 23 décembre 2023, Munyemana avait déjà été condamné à 24 ans de prison, assortis d’une peine de sûreté de huit ans. La confirmation en appel vient souligner la détermination de la justice française à punir les crimes les plus atroces.
Un médecin devenu bourreau
Médecin gynécologue à l’hôpital universitaire de Butare avant 1994, Munyemana était respecté dans sa communauté et auprès de ses collègues. Mais pendant le génocide, il est accusé d’avoir participé activement aux massacres. Les témoignages l’impliquent dans l’élaboration de listes de Tutsis à éliminer, l’organisation de barrages mortels et la détention de la clé du bureau où les victimes étaient enfermées avant leur exécution. Il aurait également signé une motion de soutien au gouvernement intérimaire rwandais, porteur de l’idéologie génocidaire.
Tout au long du procès, Munyemana a nié sa responsabilité, affirmant avoir protégé certains Tutsis et réfutant toute appartenance aux extrémistes hutus. La justice a toutefois retenu sa participation directe à l’organisation des tueries.
Une condamnation tardive mais symbolique
Après trente ans de procédure, le verdict marque une étape majeure dans la lutte contre l’impunité des responsables du génocide rwandais. Pour les survivants et la communauté rwandaise, cette condamnation, bien que tardive, est un symbole : celui d’une justice qui finit par rattraper les bourreaux, même après trois décennies. À 68 ans, Sosthène Munyemana entame désormais son incarcération, clôturant l’un des dossiers les plus emblématiques du génocide jugé en France.
