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Le bras de fer judiciaire entre Dakar et Paris

Dakar, Sénégal — Le ton était ferme, la décision sans appel. Jeudi, devant les députés de l’Assemblée nationale, la ministre sénégalaise…

Journal du Sénégal

Dakar, Sénégal — Le ton était ferme, la décision sans appel. Jeudi, devant les députés de l’Assemblée nationale, la ministre sénégalaise de la Justice, Yassine Fall, a annoncé un coup d’arrêt. Le Sénégal suspend désormais toutes les extraditions de ses ressortissants vers la France. Cette mesure de rétorsion répond à un refus catégorique de Paris : celui de lui renvoyer deux Sénégalais que Dakar réclame.

« Nous avons deux Sénégalais en France que ce pays n’a pas renvoyés », a déclaré la ministre, en pleine discussion du budget de son ministère. Elle pointe du doigt les dossiers du journaliste Madiambal Diagne et de l’homme d’affaires Doro Gaye. Malgré des demandes répétées et « toutes les justifications » fournies, la France bloque leur extradition.

Face à cette impasse, Dakar change de braquet. Yassine Fall pose un nouveau principe : la réciprocité.

Le bras de fer judiciaire s’engage

« Si ces personnes sont coupables d’un crime, nous les arrêtons. Nous ne les laissons pas libres, mais nous ne les renvoyons pas à la France tant que la réciprocité n’est pas respectée », a-t-elle martelé.

Cette annonce gèle immédiatement douze demandes d’extradition que la France a actuellement sur la table du Sénégal. Concrètement, Dakar retient désormais ses ressortissants réclamés par Paris, tant que cette dernière ne lui rendra pas les siens.

La décision crée une tension d’autant plus forte qu’elle survient après la signature d’une convention bilatérale. Les deux pays avaient pourtant scellé un accord d’extradition à Paris en septembre 2021, que la France a ratifié en juin 2023. Cet texte devait encadrer et faciliter la coopération judiciaire. La mesure sénégalaise révèle que, dans les faits, la confiance et l’équité font défaut.

Un test pour la relation bilatérale

En prenant cette position, le gouvernement sénégalais fait plus qu’exiger le retour de deux citoyens. Il interroge l’équilibre fondamental de sa relation judiciaire avec l’ancienne puissance coloniale. Le message est clair : le partenariat ne peut être à sens unique.

La balle est maintenant dans le camp de la France. Acceptera-t-elle de revoir sa position sur les dossiers Diagne et Gaye pour débloquer la coopération ? Ou laissera-t-elle ce différend envenimer une relation judiciaire cruciale pour les deux États ?

Pour l’instant, les cellules des prisons sénégalaises qui devaient se vider vers la France restent pleines. Chaque dossier attend, suspendu à la résolution de ce bras de fer qui dépasse les simples procédures pénales. Il touche à la souveraineté, au respect mutuel et à l’égalité de traitement entre nations partenaires.

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