Madagascar : le coup de force de Rajoelina

ANTANANARIVO – La scène a quelque chose de surréaliste. Un président qui gouverne son pays depuis l’étranger, une Assemblée nationale dissoute par décret, une armée qui se divise entre loyalistes et putschistes. Ce lundi 14 octobre, Madagascar a basculé dans une crise politique d’une ampleur historique, tandis qu’Andry Rajoelina, exfiltré vers La Réunion par les soins de l’armée française, tentait depuis l’étranger de reprendre la main sur un pouvoir qui lui échappe.

Dans la nuit, le président a signé un décret de dissolution de l’Assemblée nationale, invoquant l’article 60 de la Constitution. Une décision radicale, prise à des milliers de kilomètres de la capitale, alors que la Grande Île connaît sa plus grave secousse politique depuis la chute de Marc Ravalomanana.

L’étrange exfiltration

Le récit officiel – une « mission à l’étranger pour assurer sa sécurité » – cache une réalité plus trouble. Selon RFI, l’exfiltration de Rajoelina aurait été orchestrée par la France dans le cadre d’un accord direct avec Emmanuel Macron. Le président malgache aurait transité par La Réunion avant de gagner une destination inconnue.

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Pendant ce temps, à Antananarivo, la situation échappait à tout contrôle. Un groupe de militaires a tenté de prendre le contrôle des médias publics, dans ce que la présidence a qualifié d’« acte grave portant atteinte à l’ordre constitutionnel ». Le chef d’état-major des armées, le général Démosthène Pikulas, a dû intervenir personnellement pour « rétablir la situation ».

Le peuple et l’armée en mouvement

La veille, sur la place du 13 Mai, des milliers de Malgaches s’étaient rassemblés pour réclamer le départ de Rajoelina. Une mobilisation historique, portée par la Génération Z Madagascar et rejointe par d’anciens présidents et des figures de l’opposition. Plus significatif encore : des membres des forces armées avaient fait cause commune avec les manifestants.

Le colonel Mikaël Randrianirina, l’un des officiers impliqués dans la tentative de prise des médias, a nié toute intention putschiste. « L’armée a simplement répondu à l’appel du peuple malgache », a-t-il déclaré à la presse, se présentant comme un simple « officier exécutant ».

Un pouvoir en exil

Depuis son refuge extérieur, Rajoelina a tenté de reprendre l’initiative. Dans une allocution retardée de plus de deux heures, il a catégoriquement rejeté toute idée de démission, tout en reconnaissant avoir quitté le territoire national. « Je n’abandonnerai jamais Madagascar », a-t-il assuré, dénonçant un « complot préparé depuis plusieurs semaines pour attenter à sa vie ».

Sa décision de dissoudre l’Assemblée s’accompagne d’un message adressé à la jeunesse : « Place aux jeunes ». Un slogan qui sonne comme une tentative de récupération, alors que ce sont précisément les jeunes de la Génération Z qui réclament son départ dans la rue.

L’ombre de la France

L’implication française dans cette crise complique encore la donne. L’exfiltration de Rajoelina par Paris place l’ancienne puissance coloniale au cœur d’un conflit politique dont elle se défend pourtant de vouloir être actrice. La France devra maintenant naviguer entre son soutien historique à Rajoelina et la réalité d’un pays où la légitimité du pouvoir en place est ouvertement contestée.

Alors que Madagascar s’enfonce dans l’incertitude, une question demeure : comment un président peut-il gouverner un pays qu’il a fui, face à un peuple descendu dans la rue et une armée qui semble hésiter entre obéissance et rébellion ? La crise malgache vient peut-être de trouver sa réponse : le pouvoir n’est plus à Antananarivo, mais quelque part entre Paris, La Réunion et l’inconnu.

Côte d’Ivoire : Tensions à Abidjan après l’attaque du domicile de Noël Akossi Bendjo

ABIDJAN – La nuit a été longue, trop longue, dans le camp de l’opposition ivoirienne. Entre samedi et dimanche, tandis qu’Abidjan dormait à moitié, deux de ses figures majeures ont été la cible d’opérations d’intimidation d’une rare violence.
Le domicile de Noël Akossi Bendjo, numéro deux du PDCI, a été pris d’assaut comme en terrain conquis. Dans le même temps, la résidence d’Affi N’Guessan, leader du FPI, a été encerclée par des hommes armés. À moins de deux semaines du scrutin présidentiel, cette escalade sonne comme un avertissement sans équivoque.

Le Parti des peuples africains (PPA-CI) de Laurent Gbagbo a été le premier à réagir. Dans un communiqué, il exprime une profonde indignation face à ce qu’il qualifie de « véritable raid militaire ».
Selon le récit du parti, des individus encagoulés et lourdement armés ont défoncé le portail de M. Bendjo avant d’investir les lieux. Le ton est grave et l’émotion palpable.

Des pratiques dénoncées comme “d’un autre âge”

L’alliance PPA-CI/PDCI n’a pas tardé à dénoncer ces actes, les qualifiant de « pratiques d’un autre âge » révélatrices « d’un régime autoritaire et liberticide ». La cible est clairement désignée : le pouvoir d’Alassane Ouattara, accusé d’utiliser la force pour museler l’opposition.
Dans la même nuit, le FPI a signalé l’encerclement du domicile de son président, Pascal Affi N’Guessan. Ce double incident laisse entrevoir une stratégie coordonnée de pression sur les derniers leaders encore en liberté.

Une tension croissante à l’approche du vote

Ces événements surviennent dans un climat politique déjà explosif. La présidentielle du 25 octobre se prépare sans Laurent Gbagbo ni Tidjane Thiam, tous deux exclus de la course. Le pouvoir semble décidé à verrouiller le jeu électoral, quitte à user de la contrainte.
Malgré l’interdiction de leur marche du 11 octobre, les militants du Front commun PPA-CI/PDCI ont bravé l’ordre, entraînant 237 interpellations. Le ministre de l’Intérieur, le général Vagondo Diomandé, a qualifié ces jeunes manifestants de « totalement irresponsables », preuve du fossé qui s’est creusé entre les camps.

Face à la répression, l’opposition prône désormais une résistance pacifique, en arborant la couleur orange. Ce symbole, simple mais puissant, pourrait bien devenir celui du défi dans les rues d’Abidjan. À l’aube d’une élection décisive, la Côte d’Ivoire oscille entre peur et colère.

Cédéao : 50 ans d’unité ou d’illusions ? Bilan contrasté d’une ambition régionale

Cinquante ans après sa création, la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) se retrouve face à elle-même. Fondée le 28 mai 1975 à Lagos, l’organisation rêvait d’intégration économique, de libre circulation, et de prospérité partagée. Un demi-siècle plus tard, le bilan est en demi-teinte.

L’un de ses acquis majeurs reste la libre circulation des biens et des personnes. Aujourd’hui, un seul document de voyage suffit pour traverser 12 pays. Finies les expulsions massives des années 1970 : des citoyens béninois, sénégalais ou ghanéens vivent et travaillent désormais à Lagos, Abidjan ou Niamey. Cette mobilité a renforcé une certaine cohésion économique entre les États membres, selon Nazif Abdullahi, commissaire aux Affaires internes de la Cédéao.

Mais malgré cette avancée, l’intégration économique reste incomplète. Le commerce intrarégional plafonne à moins de 15 % des exportations, et la plupart des infrastructures régionales, en dehors du corridor Lagos-Abidjan, sont inachevées. Le projet de monnaie unique, l’ECO, peine à se concrétiser, miné par des désaccords persistants. En outre, les contributions financières des États membres sont très inégales, forçant l’organisation à dépendre des bailleurs occidentaux.

Une lueur : le marché régional de l’électricité

Dans ce paysage morose, une réussite éclatante émerge : le système ouest-africain d’échange d’énergie électrique (WAPP). Grâce à une interconnexion de 7 000 km de lignes, les pays échangent plus de 4 TWh par an. D’ici cinq ans, l’objectif est de doubler ce réseau. Un marché régional d’achat-vente d’électricité a vu le jour à Cotonou, permettant à chaque pays de combler ses déficits par les surplus régionaux. Sediko Douka, commissaire aux Infrastructures, vise une couverture énergétique régionale de 75 % d’ici 2030.

La Cédéao joue aussi un rôle clé dans le financement des infrastructures énergétiques, comme le souligne Sylvie Maheux, ex-cadre de la Banque africaine de développement. Sa coordination avec les bailleurs de fonds a permis d’accélérer la croissance du WAPP, une dynamique désormais menacée par le départ de trois pays : le Mali, le Burkina Faso et le Niger.

Une crise de légitimité profonde

Pour Carlos Lopes, économiste bissau-guinéen, la Cédéao, jadis modèle d’intégration, traverse aujourd’hui une véritable crise de légitimité. L’échec de l’ECO symbolise la fragmentation croissante du consensus régional. Le retrait de la Mauritanie en 2000, suivi de celui du Burkina, du Mali et du Niger, a gravement fragilisé l’unité de l’organisation. À cela s’ajoute une gestion maladroite des sanctions et des crises sécuritaires, qui a sapé la crédibilité de l’organisation.

Un anniversaire amer

Le cinquantenaire de la Cédéao, célébré sans faste à Lagos, réunit les 12 membres encore actifs. Pas de concerts, ni de feux d’artifice : la journée se veut sobre, introspective. Le général Yakubu Gowon, dernier père fondateur vivant, y apporte son témoignage. En toile de fond, une question plane : la Cédéao peut-elle se réinventer ou risque-t-elle de sombrer dans l’indifférence ?

Dans une Afrique de l’Ouest secouée par les bouleversements politiques et les tensions sécuritaires, l’organisation est à un tournant. Soit elle rebondit, soit elle cessera, non pas d’exister, mais d’avoir un véritable poids.

La Hongrie claque la porte de la CPI en pleine visite de Netanyahu sous mandat d’arrêt

Budapest, 3 avril 2025 – Le gouvernement hongrois a officialisé ce jeudi son intention de se retirer de la Cour pénale internationale (CPI). L’annonce intervient alors que le pays reçoit le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, visé par un mandat d’arrêt de cette même institution.

Une procédure engagée

Gergely Gulyás, directeur de cabinet du Premier ministre Viktor Orbán, a confirmé sur les réseaux sociaux le lancement de la procédure de retrait. Conformément au Statut de Rome, cette décision prendra effet un an après sa notification officielle aux Nations unies.

La Hongrie rejoint ainsi le Burundi et les Philippines, seuls pays à avoir quitté la CPI depuis sa création en 2002. Budapest justifie sa décision en qualifiant l’institution de « politiquement biaisée », reprenant une critique fréquemment émise par l’ancien président américain Donald Trump.

Contexte diplomatique sensible

L’annonce coïncide avec la visite officielle de Benjamin Netanyahu, sa première en Europe depuis que la CPI a émis contre lui un mandat d’arrêt en novembre 2024 pour crimes de guerre présumés à Gaza. Le dirigeant israélien a été accueilli avec les honneurs militaires à Budapest.

Plusieurs organisations de défense des droits humains avaient appelé la Hongrie à arrêter Netanyahu. Le ministre israélien des Affaires étrangères a au contraire salué « la position morale forte » de la Hongrie.

Réactions institutionnelles

Contactée par l’AFP, la CPI a rappelé que la Hongrie demeurait « tenue de coopérer » avec l’institution jusqu’à l’aboutissement complet de la procédure. Le porte-parole Fadi El Abdallah a souligné que « les États ne peuvent déterminer unilatéralement le bien-fondé des décisions judiciaires ».

La Hongrie avait signé le Statut de Rome en 1999 mais ne l’avait jamais ratifié, invoquant des questions de constitutionnalité. Cette position lui permet aujourd’hui de contester l’autorité de la CPI.

Perspectives

Ce retrait s’inscrit dans un contexte de défiance croissante envers les institutions judiciaires internationales, alors que plusieurs dirigeants, dont le président russe Vladimir Poutine, font également l’objet de mandats de la CPI.

Rendez-vous littéraire à marrakech : La Deuxième édition du FLAM prépare une fête africaine des mots

Du 8 au 11 février prochain, Marrakech s’apprête à accueillir la deuxième édition du Festival du Livre Africain de Marrakech (FLAM), une manifestation ambitieuse qui vise à favoriser le dialogue entre les écrivains africains et ceux de la diaspora, avec l’objectif de briser les barrières entre les peuples du continent.

À l’initiative de l’écrivain-peintre marocain Mahi Binebine, président du FLAM, l’idée de ce rendez-vous littéraire est née de la volonté de favoriser les échanges entre les Africains du continent et de la diaspora. « Nous avons tendance à ne regarder que vers le Nord et l’Europe, oubliant de nous parler entre Africains », souligne M. Binebine.

Le FLAM se positionne comme un moyen de remédier à cette situation en facilitant les rencontres entre écrivains africains et en abolissant les barrières entre les peuples africains qui partagent de nombreuses similitudes.

L’édition de cette année mettra en lumière les jeunes écrivains marocains, aux côtés de figures confirmées de la littérature du pays, telles que Leïla Bahsaïn, Siham Bouhlal, Abdelkader Benali, Yasmine Chami et Ali Benmakhlouf.

Le festival promet également la présence de grandes plumes de la littérature africaine, telles que Souleymane Bachir Diagne (Sénégal), José-Eduardo Agualusa (Angola), Sophie Bessis (Tunisie), Boum Hemley (Cameroun), Touhfat Mouhtare (Comores), Fanta Dramé (Mauritanie), Wilfried N’Sondé (République du Congo), Saad Khiari (Algérie) et Mia Couto (Mozambique).

La programmation de l’événement reflète l’actualité scientifique et éditoriale de l’Afrique, avec une attention particulière accordée à la réactivation et à la consolidation des mémoires et des liens qui unissent tous les Africains, où qu’ils se trouvent.

Le centre socioculturel de la Fondation Ali Zaoua à Marrakech sera le site principal du festival, tandis que d’autres lieux partenaires accueilleront des activités variées, notamment des cafés littéraires, des entretiens, une librairie éphémère, des activités jeunesse, des interventions en milieu universitaire et scolaire, ainsi que des soirées animées par des performances musicales, des lectures partagées et des déclamations poétiques.

L’affiche de cette édition est signée par le peintre malien Abdoulaye Konaté, tandis que l’écrivain français Jean Marie Gustave Le Clézio, prix Nobel de littérature en 2008, est le président d’honneur, promettant un événement littéraire mémorable.

Fondé par Mahi Binebine, Fatimata Sagna, Hanane Essaydi et Younès Ajarraï, le FLAM est organisé par l’association « We Art Africa//ns » et se présente comme un festival d’auteurs qui réunit écrivains, penseurs et intellectuels du continent, ainsi que des représentants de la diaspora africaine et de ses descendants.

Conflit politique au Mali : Les autorités de transition engagent des poursuites contre le parti Sadi de l’exilé Oumar Mariko

Le parti Sadi (Solidarité africaine pour la démocratie et l’indépendance) fait face à des actions en justice initiées par les autorités de transition au Mali. Ces poursuites découlent des déclarations du président du parti, Oumar Mariko, faites sur les réseaux sociaux en novembre dernier. Mariko, une figure politique majeure actuellement en exil, a critiqué la guerre menée par les autorités contre les rebelles du CSP (cadre stratégique permanent) et a adressé une lettre au Président de la Turquie pour demander l’arrêt des ventes de drones au Mali.

Le gouvernement malien estime que ces déclarations portent atteinte à la crédibilité des institutions et poursuit donc une action en justice visant à dissoudre le parti Sadi. Oumar Mariko, contacté par David Baché, exprime son inquiétude quant à une tentative de le faire taire, affirmant qu’il a le droit de promouvoir la paix et la justice pour son pays.

En exil depuis 2022, Mariko insiste sur le fait que ses déclarations n’engagent que lui-même et ne représentent pas l’ensemble de son parti, qui est actuellement dirigé par d’autres responsables restés au Mali. Figure importante de la politique malienne, Mariko était déjà impliqué dans le mouvement ayant mis fin au régime militaire du général Moussa Traoré en 1991 et a fondé le Sadi en 1996.

Menacé de dissolution, le parti Sadi revendique plusieurs municipalités, des conseillers municipaux ainsi que des députés à l’Assemblée nationale malienne depuis 2002, hormis durant la période actuelle de transition où l’Assemblée a été remplacée par un Conseil national de transition.

Après la dissolution du PSDA en juin dernier (actuellement faisant l’objet d’un recours), le Sadi devient le second parti visé par des actions judiciaires de la part du gouvernement de transition. Le mois précédent, une organisation de la société civile, l’Observatoire pour les élections et la bonne gouvernance au Mali, a également été dissoute en Conseil des ministres.