Afrique 2025 : Quand le crime organisé tisse sa toile

Il y a des chiffres qui ressemblent à des murmures. Et puis il y a des rapports qui, à la…

Journal du Sénégal

Il y a des chiffres qui ressemblent à des murmures. Et puis il y a des rapports qui, à la manière d’un récit sombre, lèvent le voile sur une réalité que personne ne veut vraiment regarder en face. Le rapport ENACT sur le crime organisé Afrique 2025, publié le 17 novembre, appartient à cette seconde catégorie. Cent vingt-quatre pages d’analyses, d’alertes et de constats qui racontent une histoire : celle d’un continent où le crime organisé avance plus vite que la capacité des États à l’arrêter.

Un continent pris dans un engrenage

Depuis 2019, les courbes ne cessent de grimper. Les marchés criminels se multiplient, se diversifient, se digitalisent. L’Afrique, prise entre instabilité politique, conflits et recompositions géopolitiques, devient un terrain fertile pour les réseaux criminels. Le rapport le dit sans détour : le niveau de résilience des États africains plafonne à 3,79/10, bien en dessous des scores obtenus par les acteurs et marchés criminels eux-mêmes.

Dans cette équation, un élément inquiète particulièrement : le rôle central des acteurs étatiques intégrés. Avec un score de 6,78/10, ils sont les plus influents, surpassant réseaux criminels, acteurs privés et groupes mafieux. En Afrique centrale, orientale et du Nord, ils dominent largement le paysage. Dans l’ombre, les acteurs étrangers, eux aussi en progression, tirent profit du désordre et des failles institutionnelles.

Les marchés criminels les plus actifs

L’histoire que raconte ce rapport ressemble à une carte aux multiples zones rouges. En 2025, les activités les plus lucratives sont :

  • Les crimes financiers (6,32/10)

  • Le trafic humain (6,11/10)

  • L’exploitation illégale des ressources non renouvelables (5,90/10)

  • Le trafic d’armes (5,69/10)

  • Le marché des contrefaçons (5,69/10)

Chaque région a son propre chapitre.
L’Afrique de l’Est est marquée par les trafics humains et d’armes.
L’Afrique du Nord voit exploser les drogues synthétiques et le cannabis.
L’Afrique de l’Ouest reste un carrefour de la cocaïne et du trafic humain.
L’Afrique centrale lutte contre l’exploitation illégale de ses ressources.
L’Afrique australe, elle, affronte la montée des crimes financiers et du trafic de faune.

Le continent numérique, nouvelle frontière du crime

Mais l’élément le plus marquant du rapport, c’est l’émergence d’un boom numérique criminel. Ransomwares, malwares, fraudes en ligne, sextorsion : les attaques se multiplient, dopées par une cybersécurité insuffisante. Le Kenya, le Nigeria et l’Afrique du Sud, pourtant moteurs technologiques, en subissent les premiers contrecoups.
La résilience cyber n’atteint que 3,66/10, un déclin notable depuis 2019.

Un long récit historique

Pour comprendre 2025, il faut remonter dans le temps. Le rapport retrace l’évolution du crime organisé depuis les années 1970 :
la montée en puissance pendant les conflits post-indépendance,
la consolidation des réseaux dans les années 1990 avec l’ouverture des frontières,
la globalisation des trafics dans les années 2000,
puis l’accélération des fraudes en ligne pendant la pandémie de 2020.

Aujourd’hui encore, l’Afrique occupe trois rôles simultanés :
point d’origine (ressources naturelles),
zone de transit (cocaïne, héroïne, migrants),
destination (drogues synthétiques, contrefaçons, armes).

Que faire maintenant ?

L’histoire narrée par ce rapport n’est pas totalement noire. À la dernière page, une lueur : une série de recommandations.
Elles prônent l’investissement dans la jeunesse, le renforcement de la société civile, la priorisation de la lutte contre le crime organisé au niveau de l’Union africaine, une meilleure régulation financière, des corps d’enquête indépendants, et une coopération continentale plus forte.

Comme souvent, les solutions sont connues. Ce qui manque, c’est la volonté de les appliquer.
Et c’est là que l’histoire s’arrête — ou plutôt, c’est là que commence la suite : celle qu’écriront les États africains face au crime organisé Afrique 2025.

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