Dans un contexte de crises politiques et de fractures régionales, le Sénégal accède à la présidence de la Commission de la Cédéao pour 2026-2030.
Le Sénégal succède à la Gambie à la tête de la Commission de la Cédéao, avec pour mandat de renforcer l’intégration régionale et de faire face aux multiples secousses politiques et sécuritaires. Dans un environnement sous-régional marqué par des transitions anticonstitutionnelles et le retrait de trois États sahéliens, le Sénégal prend la direction de la Commission de la Cédéao pour la période 2026-2030. Une responsabilité majeure pour Dakar, appelée à conduire le processus d’intégration ouest-africain dans un contexte d’instabilité persistante.
La décision a été actée lors de la 68ᵉ session ordinaire de la Conférence des Chefs d’État et de Gouvernement, tenue à Abuja. Elle constitue une première pour le Sénégal, désormais chargé de diriger l’organe exécutif de l’organisation communautaire dans une phase particulièrement délicate de son histoire.
Une succession de crises politico-sécuritaires
Cette désignation intervient alors que la Cédéao traverse l’une des périodes les plus critiques de son existence, notamment après le retrait du Mali, du Burkina Faso et du Niger. Ces pays sahéliens accusent l’organisation d’alignement sur les positions françaises, notamment après la menace d’une intervention militaire au Niger pour restaurer l’ordre constitutionnel.
L’espace communautaire a été ébranlé par plusieurs changements anticonstitutionnels ces dernières années. En septembre 2021, la Guinée a vu le président Alpha Condé renversé par le colonel Mamadi Doumbouya, depuis promu général. Plus récemment, la Guinée-Bissau a replongé dans l’instabilité le 26 novembre 2025, lorsqu’un général a interrompu le processus électoral à moins de 24 heures de la proclamation des résultats.
Le 7 décembre, le Bénin, longtemps considéré comme un pôle de stabilité depuis 1972, a frôlé une tentative de coup d’État contre le président Patrice Talon. L’initiative a été rapidement contenue, avec l’appui de la Cédéao, sous l’impulsion du Nigéria, même si la présidence de l’Autorité des Chefs d’État est actuellement assurée par le président sierra-léonais Julius Maada Bio.
La Commission, pilier opérationnel de l’intégration
Dans ce climat de tensions, la Commission de la Cédéao, créée en 2007 pour remplacer le Secrétariat exécutif, s’impose comme l’organe moteur de l’organisation. Basée à Abuja, elle est dirigée par un président, assisté d’une vice-présidente et de cinq commissaires, chargés de mettre en œuvre les décisions des Chefs d’État, de coordonner les politiques communautaires et de conduire les programmes de développement régional.
La Commission prépare les budgets et les plans d’action, supervise leur mise en œuvre et rend compte régulièrement aux instances décisionnelles. Son champ d’action couvre également la prévention et la gestion des crises, avec pour objectif de renforcer la cohésion régionale et d’ancrer l’intégration au bénéfice des quelque 400 millions de citoyens de la Cédéao, dans la perspective de la vision « Cédéao des Peuples : Paix et prospérité pour tous » à l’horizon 2050.
Sous l’autorité de la Conférence des Chefs d’État
La Commission agit sous le contrôle de la Conférence des Chefs d’État et de Gouvernement, instance suprême de l’organisation, chargée de définir les orientations stratégiques et de superviser le fonctionnement des institutions communautaires. C’est elle qui nomme le président de la Commission et entérine la répartition des portefeuilles.
À l’issue de cette réorganisation, le Nigéria occupera la vice-présidence, la Sierra Leone prendra en charge les Affaires politiques, la Paix et la Sécurité, tandis que le Libéria pilotera les Affaires économiques et l’Agriculture. La Côte d’Ivoire se verra confier les Services internes, le Ghana les Infrastructures, l’Énergie et la Digitalisation, et le Bénin le Développement humain et les Affaires sociales. L’Organisation ouest-africaine de la Santé sera dirigée par le Togo, le GIABA par la Gambie, et le poste d’Auditeur général reviendra au Cabo Verde.
Une consécration diplomatique pour Dakar
Le ministère sénégalais de l’Intégration africaine, des Affaires étrangères et des Sénégalais de l’Extérieur a qualifié cette désignation « d’aboutissement d’un processus complexe de concertations » et d’« une reconnaissance forte du rôle central joué par le Sénégal au sein de l’espace communautaire et sur le continent africain ».
Les autorités sénégalaises ont, par ailleurs, réaffirmé leur engagement en faveur du renforcement de la Cédéao et de la promotion durable de la paix, de la stabilité et du développement régional.
Un ressortissant sénégalais succédera ainsi au Gambien Omar Alieu Touray pour un mandat qui s’étendra de 2026 à 2030. Cette présidence sera observée de près, tant pour sa capacité à relancer l’intégration régionale que pour sa gestion des crises et le renforcement des institutions communautaires.
