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A Beira, les sinistrés du cyclone Idai doivent se passer de tout, même du pape

En silence, Maria da Paz s'est assise sur un des bancs de bois de la cathédrale, juste en face de…

En silence, Maria da Paz s’est assise sur un des bancs de bois de la cathédrale, juste en face de l’autel. Dehors, la nuit a plongé Beira dans un noir d’encre et, comme souvent à cette heure, elle est venue prier après avoir survécu au cyclone Idai.

En mars, la tempête tropicale a englouti sa ville, la deuxième du Mozambique, sous un déluge inédit qui a fait plus de 600 morts et au moins 2 millions de sinistrés.

« Idai a complètement détruit le toit de mon immeuble. Je vis au dernier étage, vous imaginez un peu ! », s’émeut encore aujourd’hui Maria da Paz. « Mais je remercie Dieu de m’avoir laissé la vie sauve, ça me permet d’être là pour témoigner. Certains n’ont pas eu cette chance ».

Ce soir, cette fervente catholique de 49 ans a ajouté le pape François à ses prières. Le Saint-Père est attendu mercredi soir dans la capitale mozambicaine, Maputo. Et même s’il ne fera pas le voyage de Beira, elle en espère beaucoup.

« Je sais que, même depuis Maputo, le pape aura un mot pour nous tous qui avons subi ça ».

Six mois après la catastrophe, Beira a les pieds au sec mais ses rues à nouveau poussiéreuses restent défigurées. Lampadaires pliés, câbles téléphoniques à terre, charpentes à vif…

Soufflé comme tous les autres par la tempête, le toit de la cathédrale Notre-Dame du Rosaire est encore recouvert de bâches multicolores, illustration d’un provisoire qui, pour la plupart des sinistrés, n’a déjà que trop duré.

– « On a tout perdu » –

A une heure de route, Fernando Castigo Matambuje a vu sa maison engloutie en quelques heures par les inondations qui ont suivi l’arrivée d’Idai à Beira le 14 mars.

« Ma famille a tout perdu. Notre maison, d’abord, mais aussi une pompe, nos tuyaux, nos récoltes, nos poulets, nos canards, l’eau a tout emporté », énumère le paysan.

« Grâce à Caritas (la fondation humanitaire de l’Eglise catholique) qui nous a fourni des semences, on a replanté et on commence à récolter piments et tomates », poursuit-il au milieu d’un champ sarclé par la chaleur dont on peine à imaginer qu’il était alors noyé sous une immense mer intérieure.

« Mais il nous manque encore tant de choses », ajoute Fernando Matambuje en entamant un autre inventaire à la Prévert.

« A ce jour, la population a d’abord besoin de nourriture et d’un toit », confirme le coordonnateur local de Caritas, Lino Agostinho Miguel. « Après le cyclone, beaucoup de gens ont fui leurs villages pour vivre chez des proches (…) ils sont maintenant rentrés chez eux mais n’ont plus ni maison, ni nourriture ».

Sitôt son aéroport rouvert après la catastrophe, tout ce que la planète compte d’ONG humanitaires et d’agences onusiennes a pourtant fondu sur Beira pour voler au secours de la population, l’une des plus pauvres de la planète.

Mais aujourd’hui encore, les besoins de centaines de milliers de sinistrés sont loin d’être satisfaits. Et les fonds manquent.

En juillet dernier, les donateurs internationaux se sont engagés à verser 1,2 milliard de dollars pour soutenir les travaux de reconstruction du Mozambique. Loin des 3,2 milliards de dollars jugés nécessaires par l’ONU.

– « Il aurait dû venir » –

En plus, le gros de l’armada humanitaire n’a pas tardé à déserter le terrain sitôt les caméras braquées ailleurs. « Des ONG sont parties sans dire pourquoi », regrette Lino Agostinho Miguel, sans plus de détail, « des villages entiers ont été livrés à eux-mêmes ».

Alors l’annonce de la visite du pape François, qui plaide régulièrement pour la cause de l’environnement, a suscité beaucoup d’espoirs chez les sinistrés du Mozambique à majorité chrétienne (56% selon le dernier recensement).

L’annonce qu’il ne ferait pas le déplacement de Beira y a causé une déception tout aussi partagée.

« Sa visite est source de joie pour le Mozambique, une bénédiction pour nous tous », note Luisa Baulane, 65 ans, venue assister à la messe du soir à la cathédrale de Beira. « C’est dommage qu’il ne vienne pas nous voir ici, où le cyclone a fait tant de mal », ronchonne-t-elle, « il aurait dû ».

« Beaucoup de chrétiens sont déçus », concède le vicaire de la cathédrale, Alfredo Manhiça, « mais ils ont compris que son programme ne dépendait pas que de lui ».

« Sa visite sera de toute façon un grand moment de joie », se rassure le père Manhiça, « sa présence va braquer les yeux du monde entier sur les problèmes du Mozambique ».

Si le souverain pontife ne vient pas à eux, certains habitants de Beira sont bien décidés à aller à lui. « Nous avons senti le cyclone souffler sur nous », dit l’un d’eux, José Gonçalves, « alors pas question de rater la messe du Saint-Père à Maputo ».

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