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Au Honduras, la pire crise politique depuis le coup d’Etat de 2009

Saigné par une émigration massive, miné par la corruption et secoué par de violentes manifestations réclamant la démission du chef…

Saigné par une émigration massive, miné par la corruption et secoué par de violentes manifestations réclamant la démission du chef de l’Etat Juan Orlando Hernandez, le Honduras s’enfonce dans la crise, dix ans après le coup d’Etat contre le président de gauche Manuel Zelaya.

Blocages de rues dans la capitale et plusieurs grandes villes, manifestants par milliers pour réclamer « la destitution immédiate » du président de droite: le petit pays d’Amérique centrale (9 millions d’habitants) connaît depuis un mois une vague de protestations contre le gouvernement de Juan Orlando Hernandez, au pouvoir depuis 2014.

Médecins et enseignants, soutenus par les étudiants et de nombreux habitants, sont à l’origine de cette mobilisation contre deux décrets du gouvernement qui, selon eux, privatisent la santé et l’éducation.

L’arrestation en novembre de Tony Hernandez, le frère du président, aux Etats-Unis où il doit être jugé pour trafic de drogue, a également cristallisé le mécontentement de la population.

Lundi, la tension est encore montée d’un cran lorsque la police militaire a tiré sur une manifestation d’étudiants à Tegucigalpa, blessant au moins quatre personnes, alors que la répression policière a déjà fait trois morts et des dizaines de blessés.

D’autres manifestations sont prévues vendredi à l’occasion du dixième anniversaire du coup d’Etat militaire contre le président Zelaya, aujourd’hui à la tête de l’opposition de gauche.

– « JOH dehors ! » –

Le 28 juin 2009, après trois ans au pouvoir, Manuel Zelaya est arrêté chez lui et expulsé vers le Costa Rica, accusé de vouloir mettre en place au Honduras le « socialisme du XXIe siècle », promu à l’époque par le Vénézuélien Hugo Chavez (1999-2013), avec lequel le chef de l’Etat avait opéré un rapprochement inédit.

Quelques mois plus tard, le candidat du Parti national (PN, droite), Porfirio Lobo, est élu à la présidence. Lui aussi du PN, Juan Orlando Hernandez lui succède en 2013, avant de devenir le premier président du pays réélu pour un second mandat de quatre ans, à la suite d’une réforme constitutionnelle.

Dix ans après le coup d’Etat, Porfirio Lobo lui-même estime que le pays traverse une crise pire qu’en 2009, avec un président « honni » par la population et auquel il recommande de démissionner.

« JOH dehors! » est devenu le mot d’ordre des manifestants, en référence aux initiales du chef de l’Etat. Un slogan surgi au sein de l’opposition de gauche qui n’a cessé d’accuser le président de fraudes électorales.

« Il y a un ingrédient nouveau (dans cette crise): il y a de la haine chez les gens », explique M. Lobo.

Pour l’ex-président, le gouvernement n’a pas été en mesure de s’attaquer aux problèmes économiques et au chômage qui poussent chaque année des dizaines de milliers de Honduriens à émigrer vers les Etats-Unis, parfois dans de spectaculaires « caravanes » parties à pied.

Mardi, le président Hernandez a exclu de démissionner. « Je vais faire (mon travail) jusqu’au dernier jour de mon mandat » en janvier 2022, a-t-il déclaré à la télévision.

– Pourrissement –

De son côté, Manuel Zelaya considère que la situation n’a cessé de se détériorer depuis 2009 : « Dix ans après, le peuple est dans la rue, les entreprises de transport sont en grève, il y a des soulèvements au sein même de la police », dit-il à l’AFP.

A deux reprises, les forces spéciales de la police ont fait grève pour protester contre leurs journées de travail exténuantes depuis le début des manifestations antigouvernementales.

Récemment, l’Eglise catholique, très influente dans le pays, a également pris position contre les membres du gouvernement. « Dans certains cas, (ils) sont la cause du problème », a déclaré la Conférence épiscopale, dénonçant une gestion des problèmes par le pourrissement, « ce qui ne fait qu’aiguiser les conflits ».

Victor Meza, directeur de l’ONG Centre de documentation du Honduras, souligne qu’une telle prise de position était encore impensable il y a quelques mois.

Selon lui, « Hernandez est de plus en plus affaibli au sein de son propre parti et plus il s’affaiblit, plus sa dépendance à l’égard des ses soutiens, les Etats-Unis et les forces armées, est grande ».

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