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Brésil : le cas Lula réexaminé, le ministre de la Justice sous pression

Deux jours après des révélations sur sa partialité, les appels à la démission du ministre brésilien de la Justice Sergio…

Deux jours après des révélations sur sa partialité, les appels à la démission du ministre brésilien de la Justice Sergio Moro se font de plus en plus pressants et la Cour suprême se penche sur une libération de prison de Lula, dont il est la bête noire.

Dimanche, dans des articles explosifs, le site internet The Intercept a dénoncé des manoeuvres de responsables de l’enquête anticorruption « Lavage express » pour empêcher Lula de se présenter à la présidentielle de 2018, à laquelle les sondages lui promettaient la victoire.

Des échanges sur la messagerie Telegram rendus publics par ce site d’investigation montrent que Sergio Moro, alors juge chargé des dossiers de Lavage express et normalement tenu à la plus totale impartialité, a fourni conseils et directives aux procureurs en défaveur de Lula.

En juillet 2017, Sergio Moro avait condamné en première instance l’ex-président de gauche, pour corruption et blanchiment d’argent.

Un an et demi plus tard, il a abandonné la magistrature pour devenir ministre de la Justice et de la Sécurité publique du président d’extrême droite Jair Bolsonaro, élu fin octobre, à l’issue d’un scrutin auquel Lula n’a pas pu participer.

Selon des analystes, les révélations d’Intercept ont accéléré le processus en vue de l’examen de la demande de libération de Lula, qui était initialement prévu pour ces prochaines semaines.

– « Confiance totale » –

Ce nouveau scandale a exacerbé la polarisation au sein d’une population brésilienne déjà fortement divisée au moment de la présidentielle de 2018.

Si les appels à la démission du ministre Moro ont fusé, aussi bien de la part d’éditorialistes des grands médias que sur les réseaux sociaux, de nombreux internautes réclamaient l’expulsion du Brésil du journaliste américain Glenn Greenwald, cofondateur de The Intercept.

Mais les Brésiliens ne semblaient pas particulièrement choqués par ces révélations. Une manifestation en faveur de Lula n’a réuni que quelques dizaines de personnes lundi soir à Brasilia.

« La population en général semble considérer que des barrières éthiques ont été franchies, mais cela ne devrait pas susciter le même degré d’indignation que des scandales de corruption », explique Robert Muggah, directeur de recherche à l’institut Igarape, un centre de réflexion ayant son siège à Rio de Janeiro.

« Je ne trouve pas ça anormal, c’étaient des conversations privées (les messages sur Telegram), donc je ne vois pas en quoi ça peut ternir l’image de Moro », a par exemple affirmé à l’AFP Rodrigo Oliveira, un employé de bureau de 21 ans vivant dans cette ville.

Le président Bolsonaro a affiché son soutien à son ministre, qui était à ses côtés mardi à l’occasion d’une cérémonie militaire à Brasilia.

Lundi, le secrétaire à la Communication de la présidence avait affirmé que le chef de l’Etat maintenait sa « confiance totale » en Sergio Moro, l’une des pièces maîtresses de son gouvernement.

– « Pas de jugement impartial » –

La défense de Lula, pour sa part, espère renverser la vapeur, après avoir vu la plupart de ses recours rejetés.

« Ces articles ne font que renforcer le fait que l’ex-président n’a pas eu droit à un jugement impartial », a affirmé mardi l’avocat Cristiano Zanin après avoir rendu visite à Lula dans sa prison de Curitiba (sud).

Ce dernier « s’est montré surpris du niveau de promiscuité extrêmement élevé entre un juge et des accusateurs, ce qui va à l’encontre de la Constitution », a expliqué José Roberto Batochio, un autre avocat ayant vu Lula.

« Nous attendons la décision de la Cour suprême pour savoir si la Constitution est encore en vigueur », a-t-il ajouté.

Cinq des 11 juges de la plus haute juridiction du Brésil devaient à nouveau examiner en début d’après-midi une demande de libération de Lula présentée par ses avocats. Selon des juristes, cette requête avait assez peu de chances d’aboutir.

L’ex-président de gauche (2003-2010) purge depuis avril 2018 une peine de huit ans et 10 mois de prison pour corruption et blanchiment d’argent.

Accusé d’avoir reçu un appartement en bord de mer de la part d’une entreprise de bâtiment pour la favoriser dans l’attribution de marchés publics, il a toujours clamé son innocence, s’estimant victime d’un complot pour l’empêcher de revenir au pouvoir.

Célèbre pour avoir rendu publiques les révélations d’Edward Snowden sur l’agence américaine de renseignement NSA, Glenn Greenwald avait interviewé Lula, de sa prison, le mois dernier.

Il est marié à David Miranda, un député de gauche qui a remplacé au Parlement Jean Wyllys, un des principaux défenseurs de la cause LGBT au Brésil. Ce dernier s’est exilé en début d’année, se sentant menacé depuis l’élection de Jair Bolsonaro, coutumier des dérapages homophobes.

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