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Caracas sous pression après la mort d’un opposant en prison

De l'ONU à l'Union européenne en passant par l'Organisation des Etats américains, les demandes d'enquête indépendante se multiplient mardi après…

De l’ONU à l’Union européenne en passant par l’Organisation des Etats américains, les demandes d’enquête indépendante se multiplient mardi après la mort de l’opposant vénézuélien emprisonné Fernando Alban, un suicide selon les autorités, un assassinat pour l’opposition.

Fernando Alban, 52 ans, était emprisonné depuis vendredi dans l’affaire de l’attaque présumée aux drones explosifs contre le président Nicolas Maduro. Lundi, il « a demandé à aller aux toilettes et une fois là-bas, il s’est jeté dans le vide depuis le dixième étage », a affirmé le procureur général Tarek William Saab, qui a annoncé une « enquête complète ».

Mardi à la mi-journée, son cercueil recouvert d’un drapeau vénézuélien a été transféré dans les jardins du Parlement, seule institution contrôlée par l’opposition, où une veillée funèbre était organisée.

Le parti de Fernando Alban, Primero Justicia (La justice d’abord), a dénoncé un « assassinat », indiquant dans un communiqué: « nous tenons pour responsable Maduro et son régime tortionnaire ».

Constatant des « informations contradictoires sur ce qui s’est passé », le Haut-Commissariat de l’ONU aux droits de l’homme a réclamé mardi une « enquête transparente pour clarifier les circonstances de sa mort ».

« Fernando Alban était détenu par l’Etat. L’Etat avait l’obligation d’assurer sa sécurité, son intégrité personnelle », a souligné une porte-parole du Haut-Commissariat de l’ONU, Ravina Shamdasani, lors d’un point de presse à Genève.

L’UE a elle aussi appelé à une « enquête approfondie et indépendante afin de clarifier les circonstances de la mort tragique du conseiller Alban », a déclaré Maja Kocijancic, porte-parole de la cheffe de la diplomatie européenne Federica Mogherini, rappelant qu' »il est du devoir de l’État d’assurer la sécurité et l’intégrité physique de toutes les personnes en détention ».

– « Pas un suicide! »-

Lundi soir, des dizaines de personnes avaient participé avec des bougies à une veillée devant le siège des services de renseignement (Sebin), en criant, sous l’oeil des policiers: « ce n’est pas un suicide, c’est un homicide! ».

Le ministre de l’Intérieur et de la Justice, Nestor Reverol, a déclaré que Fernando Alban s’était suicidé alors qu’il allait être déféré devant un tribunal et affirmé qu’il était « impliqué dans des actes de déstabilisation dirigés depuis l’étranger ».

Fernando Alban, conseiller municipal d’un arrondissement de Caracas, avait été arrêté vendredi. Il était accusé d’avoir participé à une attaque présumée aux drones explosifs, le 4 août, alors que le chef de l’Etat socialiste prononçait un discours lors d’un défilé militaire.

L’opposition, qui dénonce une mise en scène, conteste cette version de ce que les autorités appellent un « attentat ». Une trentaine de personnes, dont des militaires en activité, ont été arrêtées dans le cadre de cette affaire.

Selon le gouvernement, le fondateur de Primero Justicia, Julio Borges, une figure de l’opposition qui vit en exil en Colombie, est le commanditaire de cette attaque présumée.

« Assassins! », a écrit M. Borges sur Twitter. Selon lui, le corps de Fernando Alban « a été lancé sans vie depuis l’immeuble du Sebin ».

Le chef de l’Etat socialiste ne s’est pas encore exprimé sur ce dossier.

– « Suspect » –

L’ex-candidat à l’élection présidentielle Henrique Capriles, également membre de Primero Justicia, a lui aussi dénoncé « la pleine responsabilité du régime ».

« Ceux d’entre nous qui connaissaient Fernando savent qu’il n’aurait JAMAIS pu agir contre sa propre vie », a tweeté M. Capriles.

Le secrétaire général de l’Organisation des Etats Américains (OEA), Luis Almagro, a condamné le décès de l’opposant, incriminant sur Twitter « la responsabilité directe d’un régime tortionnaire et meurtrier ».

L’ambassade des Etats-Unis à Caracas a qualifié de « suspect » le décès de l’opposant, qui constitue, selon elle, « une nouvelle violation des droits de l’homme ».

« Jusqu’à hier (dimanche), on savait qu’il était serein. Il avait même envoyé des directives à son équipe pour continuer à travailler en faveur des pauvres », a souligné l’archidiocèse de Caracas, très critique du gouvernement. Le conseiller municipal participait à des oeuvres sociales au côté de l’église.

L’avocat de Fernando Alban, Joel Garcia, a déclaré à la presse qu’il était trop tôt pour confirmer s’il s’agissait d’un suicide ou pas.

En septembre 2017, un autre membre de Primero Justicia, Carlos Garica, maire de Guasdualito (ouest), était décédé à l’hôpital où il avait été transféré deux semaines après avoir été victime d’un accident vasculaire cérébral dans la prison où il était détenu depuis dix mois par les services de renseignement.

L’ONG Foro Penal décompte quelque 236 « prisonniers politiques » au Venezuela.

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