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Catalogne: « Jamais je ne m’étais imaginée brûlant une barricade »

"J'ai 24 ans, un master et un travail et jamais je ne m'étais imaginée brûlant une barricade, le visage masqué",…

« J’ai 24 ans, un master et un travail et jamais je ne m’étais imaginée brûlant une barricade, le visage masqué », confie Aida, une jeune indépendantiste soudainement radicalisée qui a participé aux violences depuis lundi en Catalogne.

A ses côtés, les profils des émeutiers sont très divers: militants anarchistes aguerris et parfois étrangers, simples casseurs, ou séparatistes indignés comme cette jeune femme croisée samedi soir par l’AFP.

Tous sont jeunes, voire mineurs, et s’exposent parfois devant les caméras de télévision ou dansent près des barricades en flammes.

« Ca fait huit ans qu’il n’y a aucun débordement dans les manifestations et malgré ça, on est matraqué par la police », affirme Aida, qui n’a manqué aucune manifestation depuis la condamnation lundi des dirigeants séparatistes pour leur rôle dans la tentative de sécession de 2017, qui a provoqué l’explosion.

« Je ne justifie pas la violence mais on se défend simplement contre la répression de la police », ajoute Aida, qui parle « d’autodéfense ».

Expert en radicalisation qui a travaillé avec la police belge, Olivier Cauberghs est à Barcelone pour observer les manifestations.

Selon lui, ce passage à la violence n’a pas été « décidé du jour au lendemain » mais vient plutôt en réaction à la frustration de l’échec de la tentative de sécession et aux violences policières qui ont émaillé le référendum d’autodétermination interdit du 1er octobre 2017. « Ils expulsent leur rage », analyse-t-il.

Mais contrairement aux anarchistes aguerris aux violences contre la police, ces jeunes indépendantistes vont vite « retrouver leur « quotidien », assure-t-il.

– Radicaux étrangers –

A leurs côtés, figurent des groupes plus organisés, habillés de noir avec passe-montagnes et sacs à dos, la plupart du temps en première ligne des affrontements avec la police, qui ont fait un total de 600 blessés depuis lundi dans la région.

« En analysant leurs tactiques sur le terrain, je dirais que ce sont des gens qui ont déjà eu recours à la violence », décrypte Olivier Cauberghs.

« Ce profil anarchiste s’en prend aux forces de l’ordre parce qu’elles représentent l’Etat, rien de plus », poursuit le chercheur.

Autre élément accréditant la thèse de la présence d’anarchistes dans les rangs des manifestations: la présence de nombreux slogans propres à cette mouvance, dont le plus répandu est l’acronyme ACAB (All Cops Are Bastards, « tous les flics sont des bâtards »), décliné sur les murs, abris bus et devantures de magasins à Barcelone.

Le ministre de l’Intérieur espagnol, Fernando Grande-Marlaska, a assuré vendredi que des « groupes violents qui centrent leurs violences sur la police nationale de manière organisée » étaient notamment derrière les troubles.

Il n’a par ailleurs pas exclu la présence d’éléments radicaux venus d’autres pays d’Europe et son ministère a confirmé à l’AFP que 13% des personnes interpellées après les violences étaient étrangères.

– « Mettre le bordel » –

D’autres profils de jeunes, pas politisés et sans emploi, sont aussi présents dans ces manifestations: « Je me sens espagnol et je ne suis pas indépendantiste », dit l’un d’eux à l’AFP en requérant l’anonymat car il a participé à des violences contre les policiers.

« Je viens pour mettre le bordel et aussi parce que ça ne me parait pas bien de mettre des hommes politiques en prison pour leurs opinions », poursuit ce jeune de 19 ans, qui se dit apolitique.

« Il faut qu’ils (la police ndlr) comprennent que nous savons montrer notre mécontentement. Nousn’avons peur de rien », poursuit-il.

Son ami âgé de 17 ans, qui refuse aussi de donner son nom, est d’origine vénézuélienne et vit dans un foyer pour mineurs. Il dénonce lui aussi « les violences policières ».

Ces deux jeunes, qui vivent en banlieue de Barcelone, ne parlent pas catalan et n’ont aucun lien avec le mouvement indépendantiste.

« Ces jeunes n’ont aucun diplôme ni perspectives d’avenir et se radicalisent dans la violence », analyse M. Cauberghs pour qui ces jeunes expriment « leur frustration » envers la société.

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