InternationalAFP




Daphne Caruana Galizia, « femme Wikileaks » et plume au vitriol

Trafics illicites, pots-de-vin, comptes bancaires offshore...La blogueuse et journaliste maltaise Daphne Caruana Galizia, assassinée à 53 ans le 16 octobre…

Trafics illicites, pots-de-vin, comptes bancaires offshore…La blogueuse et journaliste maltaise Daphne Caruana Galizia, assassinée à 53 ans le 16 octobre 2017 dans l’explosion de sa voiture piégée, dénonçait d’une plume sans concession la corruption sur son archipel au coeur de la Méditerranée.

Moins d’une heure avant que sa voiture n’explose, vers 15H00, elle écrivait encore sur son blog: « Il y a des escrocs partout où l’on regarde; la situation est désespérée ».

Mercredi, l’homme d’affaires maltais Yorgen Fenech a été interpellé sur son yacht au large de Malte dans le cadre de l’enquête sur le meurtre de la journaliste, a précisé la police maltaise.

« Le rôle de M. Fenech était de remettre des pots-de-vins au chef de cabinet de Muscat » qui est toujours en poste, a écrit sur Twitter le fils de la journaliste, Matthew. Son frère Andrew a pointé du doigt le Premier ministre, le travailliste Joseph Muscat.

« Si Joseph Muscat n’avait pas protégé Keith Schembri et Konrad Mizzi en 2016 (cités dans l’enquête des Panama Papers, ndlr), ma mère serait encore en vie. Il a du sang sur les mains », a ajouté Andrew.

M. Mizzi était à l’époque ministre de l’Energie et est toujours au gouvernement, comme ministre du Tourisme. M. Schembri est toujours chef de cabinet de M. Muscat.

Trois hommes (les frères Alfred et George Degiorgio et Vince Muscat) ont été arrêtés pour le meurtre de Mme Caruana Galizia le 4 décembre 2017. Mais leur inculpation a tardé jusqu’à juillet 2019 et le procès n’a pas commencé.

Selon la famille de Caruana Galizia, les trois quinquagénaires ne seraient que des exécutants, alors que les commanditaires restent indéterminés.

M. Muscat n’a donné son accord à la requête de la famille d’ouvrir une enquête indépendante sur l’assassinat que fin septembre 2019, après une mise en demeure du Conseil de l’Europe.

Depuis des années en première ligne, Mme Caruana Galizia n’a jamais cédé aux tentatives d’intimidations. Comme celle trouvée un matin sur le mur de sa maison: « Si les mots sont des perles, le silence a plus de valeur… ».

Née le 26 août 1964, elle avait travaillé comme chroniqueuse dans plusieurs médias maltais, dont The Sunday Times of Malta et The Malta Independent, mais c’est surtout par son blog, Running Commentary, suivi par quelque 400.000 lecteurs, sur une île qui compte un demi-million d’habitants, qu’elle s’était fait connaître bien au-delà de Malte.

– « Projet Daphne » –

Ignorant la peur, celle qu’on surnommait « la femme WikiLeaks » n’hésitait pas à livrer l’identité de ses cibles. Son style mordant et sans nuance lui avait valu d’être qualifiée de « blogueuse au stylo empoisonné ».

A Malte, qui abrite 70.000 sociétés offshore et les sièges des plus grands groupes de jeux de hasard, la brune quinquagénaire avait exercé sa plume au vitriol contre plusieurs ministres et hommes d’affaires.

Figurait également à son tableau de chasse le vice-gouverneur de la Banque centrale de Malte, Alfred Mifsud, accusé d’avoir été rémunéré par le géant américain du tabac Philip Morris au début des années 2010.

Classée par le magazine américain Politico parmi les « 28 personnalités qui font bouger l’Europe », Daphne Caruana Galizia s’attaquait aussi à l’opposition, comme le dirigeant de droite Adrian Delia, accusé d’avoir un compte offshore à Jersey.

Mais la plupart de ses enquêtes aboutissaient aux membres du gouvernement et à l’entourage direct de M. Muscat. Son épouse Michelle est soupçonnée d’avoir ouvert un compte au Panama pour y abriter des pots-de-vin versés par l’Azerbaïdjan en échange de l’autorisation donnée à une banque azérie, Pilatus, de travailler à Malte.

Le couple a toujours nié les faits, accusant Daphne Caruana Galizia d’avoir été manipulée par une lanceuse d’alerte russe.

En dépit de ces affaires, M. Muscat (en place depuis 2013) a été réélu en juin 2017.

La masse de documents laissée par Mme Caruana Galizia a été reprise par 45 journalistes provenant de 18 médias réunis dans le « Projet Daphne ».

Suivez l'information en direct sur notre chaîne