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En Afrique du Sud, paroles de « born free » qui ont choisi l’abstention

Plus de 6 millions de jeunes Sud-Africains, soit 52% des 18-30 ans, ne sont pas inscrits sur les listes électorales…

Plus de 6 millions de jeunes Sud-Africains, soit 52% des 18-30 ans, ne sont pas inscrits sur les listes électorales pour les élections générales du 8 mai prochain. Pourquoi ont-ils décidé de bouder les urnes ?

Deux « born free » (nés libres), la génération des moins de 25 ans qui n’a pas connu la chape de plomb de l’apartheid officiellement aboli en 1994, témoignent.

Kgatlego More, le pragmatique

A 22 ans, cet étudiant en commerce vit dans une banlieue résidentielle de Johannesburg, chez sa mère, fervente supportrice du Congrès national africain (ANC), le parti au pouvoir depuis la chute du régime raciste blanc.

Le jeune Noir au crâne rasé et aux grands yeux en amande s’apprêtait à voter cette année pour la première fois. Il vient de changer d’avis.

« Il y a un an, je vous aurais dit que je soutenais les EFF », le parti de gauche radicale des Combattants pour la liberté économique, « parce qu’ils expriment l’opinion de la jeunesse. La jeunesse est enragée, la jeunesse est en colère et les EFF sont vraiment représentatifs de tout ça. »

« Les autres partis politiques sont trop politiquement corrects et les EFF s’en fichent (du politiquement correct). Ca m’attire. Mais je m’interroge sur leurs intentions parce que d’un côté ils expriment nos opinions, mais en même temps ils conduisent des voitures de luxe, ils traînent toujours à des soirées chics. Je ne sais plus à quoi m’en tenir.

Nos parents ont vécu à une autre époque où c’était totalement différent. Ils se sentent obligés de voter pour l’ANC, de faire campagne pour l’ANC parce qu’ils estiment que c’est le seul parti qui en vaille la peine.

Moi, je pense que je pourrais avoir plus d’impact en agissant au sein de ma communauté (qu’en votant) car c’est ici que tout commence (…) Si on voit un problème dans son quartier, agissons, parce que le vote, lui, ne changera peut-être pas la donne. »

Lorenço Jacobs, l’enragé

Ce père de famille de 21 ans vit dans un cabanon dans le township d’Eldorado Park à Johannesburg. Sur son avant-bras droit, ce « Coloured » porte un tatouage au nom de sa fille Autumn, qui vit avec sa mère.

La communauté « coloured » est l’une des quatre classifications raciales retenues du temps de l’apartheid (Noirs, Blancs, Indiens et Coloured). Elle est composée de plusieurs groupes ethniques, notamment les San (Bushmen) et Nama, populations autochtones d’Afrique australe.

Au chômage, Lorenço Jacobs déblaie avec une pelle un terrain vague pour tenter d’y construire illégalement une maison.

« J’ai quitté l’école en première. Je n’ai pas de maison. Je ne vais pas voter car ma voix ne va pas faire de différence. Je ne suis pas pris en compte. Je me sens ignoré. Rien ne se passe pour nous dans notre communauté.

Je suis en colère. Je suis malheureux.

L’ANC est au pouvoir pour les Noirs. Pourquoi ne nous considèrent-ils pas comme égaux ? On a tous le droit d’être égaux. La DA (Alliance démocratique, opposition) ne fait rien. La DA n’apportera aucun changement, ce sont juste des promesses sans lendemain. Les EFF se battent au Parlement alors qu’ils sont supposés montrer l’exemple.

Nous donnons le pouvoir aux hommes politiques. Pourquoi doivent-ils tout résoudre par la violence ? Pourquoi voter pour des gens qui ne feront rien pour nous ? On vit dans un monde corrompu. »

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