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Entre Dirndl et culotte de peau, la Bavière se prépare à un séisme politique

Attablé devant une saucisse blanche traditionnelle, une bière à la main, Otto Seidl, 73 ans, ne décolère pas face au…

Attablé devant une saucisse blanche traditionnelle, une bière à la main, Otto Seidl, 73 ans, ne décolère pas face au recul sans précédent annoncé de son parti, l’Union chrétienne-sociale (CSU).

« La Bavière va bien, tout le monde le dit! Et si la Bavière va si bien, c’est grâce à la CSU qui la gouverne depuis 70 ans », martèle ce conseiller municipal de Munich.

Pourtant, c’est un score de 33% seulement que promettent les sondages en vue des élections régionales de dimanche à ce parti très conservateur, allié à celui de centre-droit d’Angela Merkel (CDU) et membre de sa coalition gouvernementale à Berlin. Ce serait le plus faible, pour cette formation qui incarne et domine la Bavière depuis des décennies, depuis sa création après la Deuxième guerre mondiale.

« La CSU risque de perdre la majorité absolue, c’est un moment historique », résume Sudha David-Wilp, experte politique au German Marshall Fund.

Au pouvoir sans discontinuer depuis 1958, le plus souvent avec la majorité absolue, la CSU est concurrencée par les Verts, crédités de 18% des suffrages, et par son grand cauchemar: l’AfD (Alternative pour l’Allemagne), parti d’extrême-droite qui prospère depuis l’arrivée de plus d’un million de réfugiés dans le pays en 2015-2016 avec actuellement 10% des voix.

– « État libre » –

Monika Voland-Kleemann, membre de la CSU âgée de 63 ans, ne se résout pas à ce recul. « La CSU est le seul parti qui n’existe qu’en Bavière et nulle part ailleurs en Allemagne. C’est important et il faut le rappeler aux électeurs! », insiste-t-elle.

Deuxième plus grand Land allemand par sa superficie et la taille de son économie, région affichant le taux de chômage le plus bas, « l’État libre » de Bavière, à l’identité originale, aime rappeler son succès au reste de l’Allemagne.

Tout candidat à l’élection régionale doit se plier aux rituels locaux: discours sous les tentes à bière en tenue traditionnelle et conversation autour d’une pinte avec des électeurs, de préférence en dialecte bavarois.

À 51 ans, Markus Söder, candidat tête de liste de la CSU et actuel ministre-président de Bavière, en a fait sa marque de fabrique. Malgré l’alliance de son parti avec la CDU d’Angela Merkel à Berlin, lui et sa formation n’ont cessé depuis trois ans de critiquer la chancelière sur les migrants, en l’accusant de laxisme.

« La CSU a dû amorcer un virage à droite pour essayer de récupérer des électeurs qui se tournaient vers l’AfD », explique Sudha David-Wilp. Cette stratégie de la tension semble toutefois s’être retournée contre le parti bavarois: elle n’a pas convaincu les partisans de l’AfD et échaudé l’électorat modéré de la CSU, tenté par le vote écologiste.

Face à la poussée de la droite dure « nous défendons une position clairement pro-européenne et humaine à l’égard des réfugiés », dit à l’AFP Ludwig Hartmann, tête de liste des écologistes.

– AfD en embuscade –

Le candidat de l’AfD Wilfried Biedermann attend son heure. La Bavière est l’un des deux derniers Länder, sur seize, où sont parti n’est pas encore représenté au Parlement régional. À 67 ans, il enfile régulièrement culotte de peau bavaroise et chemise à carreaux traditionnelles pour parcourir les rues de Munich.

« Les sondages nous sous-estiment, l’AfD va terminer deuxième et devenir le plus grand parti d’opposition de Bavière », assure-t-il lors d’une réunion électorale, ignorant ostensiblement la dizaine de contre-manifestants venus siffler les discours.

À ses côtés, Michael Gross, 62 ans, désigne l’adversaire principal. « Notre grand opposant, c’est la CSU, parce qu’ils se sont emparés de nos thèmes et sont alliés du gouvernement à Berlin ».

En Bavière, l’AfD n’a toutefois pas parlé que des migrants, et a cherché à donner une couleur bien locale à sa campagne. Trompetant un slogan emprunté à Donald Trump, « La Bavière d’abord », Wilfried Biedermann commence son discours sur une question pressante pour les Munichois: « Cette année à la Fête de la bière, le litre se vend 11,40 euros. 11,40 euros! Vous trouvez cela normal, vous? »

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