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Garcia, le phénix de la politique péruvienne à la fin dramatique

Colosse charismatique d'1m90, il haranguait les foules comme personne, mais son bilan à la tête du Pérou était contesté :…

Colosse charismatique d’1m90, il haranguait les foules comme personne, mais son bilan à la tête du Pérou était contesté : l’ancien président Alan Garcia, éclaboussé dans un scandale de corruption, a mis fin à ses jours mercredi à 69 ans.

En plus de quarante ans de carrière politique, « Alan », comme le surnommaient les Péruviens, n’avait jusqu’ici jamais eu maille à partir avec la justice.

Début 2017, son nom a commencé à être associé au tentaculaire dossier Odebrecht, du nom du géant brésilien de BTP qui a versé durant plus d’une décennie 788 millions de dollars à travers l’Amérique latine pour remporter des appels d’offres.

Le groupe a admis avoir versé au Pérou 29 millions de dollars entre 2005 et 2014 sous les mandats de trois présidents, Alejandro Toledo, Alan Garcia et Ollanta Humala.

Dès lors dans le collimateur de la justice péruvienne, Alan Garcia semble mal vivre cette situation : malgré son large sourire crispé, il perd son calme devant les caméras. « Prouvez-le donc bande d’imbéciles ! Trouvez quelque chose! », lance-t-il défiant fin 2018.

La presse venait de révéler qu’il aurait reçu 100.000 dollars – provenant de fonds illégaux d’Odebrecht – en paiement d’une conférence donnée devant des entrepreneurs brésiliens à San Paulo en mai 2012.

Craignant une fuite à l’étranger, la justice lui interdit de quitter le territoire. Mi-novembre, il demande l’asile à l’Uruguay en restant 16 jours dans l’ambassade de ce pays à Lima. Montevideo rejette sa demande après examen de son dossier.

Nombre de Péruviens lui vouaient une haine tenace pour sa gestion désastreuse durant son premier mandat présidentiel (1985-1990) quand l’inflation atteignait des sommets. Cette période noire reste pour les Péruviens de cette génération toujours synonyme de corruption et de chaos économique.

Le Pérou des années 1990 est aussi en proie à une situation d’instabilité et de guerre civile, avec une montée fulgurante et sanglante du terrorisme (Sentier lumineux) et de nombreuses violations des droits humains par les forces gouvernementales.

– « Cheval fou » –

Après avoir essuyé une cinglante défaite en 2001 contre Alejandro Toledo, l’infatigable colosse remonte sur les estrades la fois d’après. Il y danse parfois et charme ses sympathisants grâce à ses talents de tribun hors pair. En raison de son impulsivité, certains le surnommé le « cheval fou ».

Conscient de la nécessité de rompre avec le passé, il fait son mea culpa et reconnaît lors de la campagne électorale de 2006 – comme la précédente – avoir commis de graves erreurs, économiques principalement. Il s’en excuse et demande « pardon aux Péruviens », laissant entendre que l’expérience acquise lui permettrait de ne plus commettre de telles fautes.

Affirmant être le seul à pouvoir barrer la route de la présidence au militaire nationaliste Ollanta Humala, alors vu comme le poulain du président vénézuélien Hugo Chavez (1999-2013), il est finalement réélu. Cette renaissance lui vaut une réputation de survivant politique.

Malgré un second mandat d’inspiration libérale jugé mieux réussi par les analystes, il restait l’homme politique le plus impopulaire du pays, avec un taux de rejet de 80%, selon les soudages de ces derniers mois.

Né en 1949 à Lima, dans une famille de la classe moyenne et de militants du parti social-démocrate APRA, Alan Garcia devient en 1978 le plus jeune député élu à l’Assemblée Constituante, puis le plus jeune président du Pérou, à 36 ans en 1985.

Longtemps, il a bénéficié de l’aura du persécuté politique, acquise lorsque, recherché par la police du président Alberto Fujimori en 1992, il s’enfuit par les toits de sa maison pour gagner l’ambassade de Colombie.

Réfugié un temps à Bogota, il s’installe ensuite en France, où il effectue une partie de ses études, complétées à Madrid par un doctorat en droit afin de devenir avocat.

Parlant parfaitement français, Alan Garcia s’est lié à Paris avec la famille Mitterrand et a reçu durant son exil le soutien du Parti socialiste français.

Ce père de six enfants, issus de trois relations différentes, avait aussi un petit-fils. Ces derniers temps, il vivait entre Lima et Madrid, où résidait son actuelle compagne, mère du plus jeune de ses fils.

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