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Japon: comment des cerisiers en fleurs ont bourgeonné en scandale politique

Une fête des cerisiers en fleurs, organisée chaque printemps par le gouvernement japonais, s'est transformée ces dernières semaines en un…

Une fête des cerisiers en fleurs, organisée chaque printemps par le gouvernement japonais, s’est transformée ces dernières semaines en un vaste scandale politique pour le Premier ministre Shinzo Abe, lequel devrait toutefois résister à cette énième affaire, selon des experts.

Sur le papier, cette réception organisée depuis 1952 dans un parc de Tokyo semble bien innocente. Elle consiste à inviter des milliers de personnalités méritantes de secteurs divers, comme des sportifs et des artistes.

Cependant M. Abe est accusé d’avoir détourné la fête pour servir ses propres intérêts, alors qu’elle est financée par l’Etat. Environ 850 de ses sympathisants issus de sa circonscription parlementaire dans la préfecture de Yamaguchi (sud-ouest du Japon) auraient assisté à l’édition 2019, selon l’opposition.

Le nombre de convives a enflé ces dernières années, tout comme la facture de la fête, dont la dernière a coûté 55 millions de yens (458.000 euros), poussant l’opposition à demander des comptes au Premier ministre.

Impossible cependant de mettre la main sur la liste précise des invités de la dernière édition. Le document a été passé au broyeur le jour même où un député de l’opposition a demandé de le rendre public et la version électronique aurait été effacée quasiment au même moment.

– Bouc-émissaire handicapé –

Pure coïncidence, a assuré M. Abe, dont la défense maladroite a rajouté de l’huile sur le feu. Normalement cette liste aurait même dû être détruite plus tôt d’après lui, mais un employé du gouvernement chargé de cette tâche – un handicapé travaillant à temps partiel – avait pris du retard.

Faute de liste, les allégations arrivent au compte-gouttes: un membre d’un clan de yakuzas, la mafia japonaise, aurait figuré parmi les invités cette année, tout comme le patron d’une entreprise aux activités frauduleuses durant une précédente édition.

Le scandale s’est aussi étendu à l’épouse de M. Abe, Akie, soupçonnée d’avoir elle aussi recommandé certains invités. Son mari a reconnu avoir suggéré des noms mais a nié avoir le dernier mot sur la liste définitive des participants.

Des soupçons de violation de la loi électorale japonaise entourent aussi un banquet donné par M. Abe à ses sympathisants dans un hôtel de luxe tokyoïte juste avant la fête des cerisiers en fleurs. M. Abe a nié toute illégalité dans ce dîner, sans toutefois être en mesure de fournir la facture ou de préciser qui avait payé quoi.

La popularité de son gouvernement de droite nationaliste dans les sondages est tombée à environ 50% ou moins en novembre, soit une baisse de six à sept points.

Pour autant, les analystes politiques pensent que M. Abe devrait s’en sortir une nouvelle fois, comme lors de ses précédentes affaires de favoritisme.

« Les sondages ne vont probablement pas chuter de plus de dix points parce qu’il n’y a pas d’autre candidat au poste de Premier ministre », déclare à l’AFP Junichi Saito, un professeur en science politique de l’université Waseda à Tokyo.

– Fête annulée en 2020 –

Ayant battu en novembre le record de longévité pour un Premier ministre au Japon, M. Abe, cramponné à son poste depuis près de sept ans, continue de profiter de la méfiance persistante des électeurs envers l’opposition, plombée par le passage raté aux commandes du Parti démocrate (centre gauche) de 2009 à 2012.

« Je doute à ce stade que l’opposition puisse gagner le soutien de l’opinion s’il réussit à affaiblir » la popularité de Shinzo Abe avec ce scandale, a estimé Tobias Harris, expert de la politique japonaise au sein du cabinet Teneo.

« A moins de preuves accablantes (contre lui, NDLR), je pense que M. Abe pourra se maintenir encore longtemps », a ajouté M. Harris, interrogé par l’AFP.

Dès la mi-novembre, le Premier ministre a décidé d’annuler la fête des cerisiers en fleurs de l’an prochain, promettant d’engager une « réflexion » sur son mode d’organisation.

Cette concession devrait probablement suffire à dissiper l’orage, selon Junichi Takase, un professeur de science politique de l’université de Nagoya (centre).

Les vacances parlementaires commencent par ailleurs mardi, offrant un répit à M. Abe. Les tentatives de l’opposition pour prolonger la session ont échoué face au veto de la coalition au pouvoir dominée par sa formation, le Parti libéral-démocrate (LDP).

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