InternationalAFP




Journalistes de RFI tués au Mali en 2013: cinq ans après, un scénario incomplet et des incertitudes

Cinq ans après l'assassinat de deux journalistes français de RFI au Mali, Ghislaine Dupont et Claude Verlon, l'enquête a permis…

Cinq ans après l’assassinat de deux journalistes français de RFI au Mali, Ghislaine Dupont et Claude Verlon, l’enquête a permis d’identifier les possibles commanditaires sans pouvoir dissiper le flou qui entoure encore les raisons et les circonstances du rapt suivi des meurtres, au grand dam des proches.

Ghislaine Dupont, 57 ans, et Claude Verlon, 55 ans, ont été enlevés le 2 novembre 2013 au cours d’un reportage puis abattus près de Kidal, quelques mois après le début de l’opération française Serval qui a mis en déroute les jihadistes contrôlant le nord du Mali.

Leurs corps avaient été découverts à proximité d’un pick-up abandonné. Le double meurtre avait été revendiqué par Aqmi (Al-Qaida au Maghreb islamique).

Les investigations menées côté français en parallèle de l’enquête malienne ont permis de cibler six principaux suspects: quatre membres du commando, et surtout deux possibles commanditaires, deux chefs de katiba (groupe de combattants). Le premier, Abdelkrim le Touareg, un émir lié à Aqmi, a depuis été tué dans une opération des forces françaises. Le second, Sedane Ag Hita est introuvable.

Très vite, les enquêteurs ont privilégié la piste d’un enlèvement raté, à cause d’une panne automobile, pour expliquer l’exécution des journalistes. Une thèse qui cinq ans après suscite toujours des doutes chez les proches des reporters.

« Les déclassifications de documents n’ont pas permis de clarifier un certain nombre de choses, ni sur les circonstances, ni sur le pourquoi », a expliqué à l’AFP, Pierre-Yves Schneider, porte-parole de l’association des amis de Ghislaine Dupont et Claude Verlon, reçue jeudi par les juges.

Surtout, de récents éléments de l’enquête dont a eu connaissance l’AFP viennent ajouter des zones d’ombre au dossier. Dans un témoignage troublant recueilli le 4 octobre par les juges, un journaliste d’investigation malien a raconté qu’une source lui a récemment confié que « quelqu’un dans le commando était en relation avec un officiel malien », information que lui a ensuite confirmée un ancien officier français.

Ce dernier lui a révélé l’existence d’une interception américaine d’une conversation entre un membre du commando, le jihadiste Baye ag-Bakako, un ancien trafiquant localisé entre le Mali et l’Algérie, et l’ancien ministre de la Défense malien et actuel Premier ministre Soumeylou Boubèye Maïga.

L’officiel malien a déjà a eu affaire à la justice française par le passé: il avait été placé en garde à vue dans l’enquête sur les activités de l’homme d’affaires corse et ponte du jeu en Afrique, Michel Tomi. Les jihadistes ont-ils bénéficié d’une certaine complaisance? L’enquête devra vérifier cette hypothèse.

Les juges antiterroristes, qui s’étaient rendu en février à Bamako pour rencontrer leurs homologues maliens, ont fait part jeudi de leurs espoirs quant à l’obtention de nouvelles données téléphoniques maliennes qui permettraient de retracer le parcours du commando, a expliqué Me Marie Dosé, avocate de l’association.

– Lien avec Arlit? –

A l’issue de la réunion de jeudi, l’avocate a toutefois évoqué des « points de désaccords » entre l’association et les juges. Parmi eux, la question de savoir si Ghislaine Dupont travaillait sur la crise des otages d’Arlit, ce dont doutent les enquêteurs.

L’hypothèse d’un lien éventuel entre l’enlèvement des journalistes et la libération quelques jours plus tôt des otages d’Arlit au Niger avait notamment été décrite dans un reportage diffusé sur la chaîne France2.

Une journaliste de RFI entendue par les juges a par ailleurs rapporté, d’une source touareg, que l’un des jihadistes, Sedane Ag Hita, aurait commandité l’enlèvement des journalistes « pour avoir une nouvelle monnaie d’échange », faute d’avoir pu obtenir la libération de ses deux neveux à l’occasion des tractations pour les otages français d’Arlit.

Les parties civiles entendent aussi maintenir la pression sur la question de la levée du secret-défense.

Ils ont demandé l’audition de l’ancien président François Hollande, au vu de certains propos tenus devant des journalistes au sujet de cette affaire. Notamment lorsque le président a évoqué le 7 décembre 2013 auprès d’un journaliste de RFI une écoute dans laquelle, selon M. Hollande, « un commanditaire reprochait à un membre du commando d’avoir détruit +la marchandise+ ».

Interrogé récemment par des journalistes de RFI au sujet de cette mystérieuse écoute, l’ancien patron de la DGSE Bernard Bajolet en a confirmé « l’existence et le contenu », selon l’association, qui va demander son audition par les juges.

Suivez l'information en direct sur notre chaîne