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Les gondoles de Xochimilco au bord du naufrage

Noé Carmona a connu des jours meilleurs. Arc-bouté sur la rame unique de sa gondole, il sillonne les canaux de…

Noé Carmona a connu des jours meilleurs. Arc-bouté sur la rame unique de sa gondole, il sillonne les canaux de Xochimilco, derniers vestiges d’un réseau maritime creusé dans le sud de Mexico par les Aztèques.

Depuis le début de la journée, il n’a pratiquement écoulé aucun des maïs grillés que les touristes sont généralement nombreux à vouloir grignoter.

A en croire les autorités locales, le nombre de visiteurs de ce site coloré, véritable oasis dans le désert, a dégringolé de 80% depuis qu’un jeune homme s’y est noyé le 1er septembre.

« Je pense me chercher un autre boulot », se lamente ce petit homme de 32 ans, père de trois enfants et qui exerce ce métier depuis qu’il a 8 ans.

« D’habitude, je gagne environ 2.000 pesos (environ 90 euros) par jour. Maintenant, c’est descendu à 200 ou 300 pesos » (entre 9 et 13 euros), raconte-t-il à l’AFP.

Isabel Chavez, 55 ans, qui vend des sucreries maison, partage le même point de vue: « Il n’y a plus personne ici ».

Elle a d’ailleurs laissé la plus grande partie de son stock chez elle, par crainte de le voir se détériorer faute d’acheteurs. Elle dit ne réaliser que 10% de ses ventes.

Xochimilco, entrelacs de canaux et d’îlots artificiels, a été créé de toutes pièces par les Aztèques et autres peuplades autochtones, quelque part entre le XIIe et le XVIe siècle. Le site est inscrit depuis 1997 au patrimoine mondial de l’humanité. Il attirait jusqu’il y a peu un million de touristes par an.

Inondé de verdure, d’arbres et de fleurs, l’endroit constituait le cadre idéal de promenades et pique-niques, y compris pour les Mexicains de la capitale qui souhaitaient échapper à son rythme trépidant le temps d’une journée.

Des orchestres de mariachis flottants leur jouaient des sérénades pendant qu’ils parcouraient les cours d’eau allongés ou assis dans les traditionnelles « trajineras » à fond plat qui évoquent de loin les gondoles vénitiennes, au milieu des vendeurs d’objets artisanaux, de boissons et bouquets de fleurs.

Jusqu’à la tragédie qui frappa il y a un peu plus d’un mois ce lieu synonyme de calme et de sérénité: le plongeon mortel d’un jeune de 20 ans, visiblement imbibé d’alcool, alors qu’il se trouvait à bord d’une embarcation.

Depuis, Xochimilco est à la dérive.

Dans une tentative d’endiguer la fuite spectaculaire des touristes, les autorités ont commencé par limiter considérablement la vente de boissons alcoolisées, imposer le port de gilets de sauvetage et interdire l’utilisation de haut-parleurs portatifs sur les bateaux.

Mais ces mesures n’existent pour l’instant que sur le papier.

– Trois bières par personnes –

Tout avait commencé par une joyeuse réunion entre amis venus de Puebla, une ville voisine, à l’occasion de l’anniversaire de l’un d’eux.

Après avoir bien bu et dansé, ils commencèrent par sauter de gondole en gondole, jusqu’au moment où José Manuel dérapa et tomba dans l’eau.

« Non! Non! », hurlèrent ses amis alors que l’un d’eux filmait toute la scène avec son smartphone.

Mais une fois le premier choc passé, ils tentèrent de lui prêter assistance, ce fut juste pour constater que le jeune José Manuel ne remontait pas à la surface. Son corps ne fut retrouvé par les sauveteurs que le lendemain.

Si cette noyade n’est pas la première à Xochimilco, c’est en revanche la première fois qu’un tel drame est filmé. Ces images, devenues virales, ne sont plus visibles sur les réseaux sociaux.

« C’est la faute à la vidéo et aux réseaux sociaux », accuse José Zaldivar, en charge du tourisme au sein du gouvernement local de Xochimilco.

Le bureau de M. Zaldivar affirme avoir mis à disposition des gondoliers 116 gilets de sauvetage et apposé les nouvelles règlementations de sécurité à l’intérieur de chaque embarcation.

La consommation d’alcool est désormais limitée à une bouteille d’alcool fort par bateau et à trois bières par personne. Sauter entre les gondoles est aussi interdit.

Mais ces mesures sont encore largement insuffisantes. Sur les 18 passagers que compte une gondole, seuls deux ou trois peuvent être équipés de gilets de sauvetage.

Sans parler de la difficulté à réguler la consommation d’alcool.

« Impossible d’avoir un millier de personnes pour surveiller toutes les gondoles », explique José Zaldivar.

« Les gosses de mon âge veulent s’éclater. Nous aimons boire », explique Tania Silvan, une étudiante de 19 ans qui s’apprête à monter dans une « trajinera ».

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