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L’humoriste Mamane de retour au Niger pour l’aider à sortir du « Gondwana »

"Ah, mais c'est le Gondwanais!", s'exclame le gendarme nigérien en découvrant que le chauffeur qu'il voulait contrôler n'est autre que…

« Ah, mais c’est le Gondwanais! », s’exclame le gendarme nigérien en découvrant que le chauffeur qu’il voulait contrôler n’est autre que l’humoriste Mamane. Il se met aussitôt au garde-à-vous et effectue un salut militaire comme s’il était devant un chef d’Etat puissant. Puis éclate de rire.

Nous ne sommes pas dans la « République très très démocratique du Gondwana » avec son « président-fondateur », inventée par Mamane pour critiquer la mauvaise gouvernance ou le manque de démocratie, mais à Niamey, capitale du Niger, son pays natal.

« Des policiers en Afrique m’appellent parfois +président+. C’est une sorte de deuxième degré africain, une manière de rire mais aussi d’être critique du système. Une forme de résilience », souligne Mamane, véritable star en Afrique francophone où sa chronique du Gondwana sur RFI et le Parlement du rire, sur Canal+ Afrique, où il campe le président d’une Assemblée nationale ubuesque, font fureur.

Malgré un agenda plus chargé qu’un ministre, Mamane, auteur, acteur, réalisateur (Bienvenue au Gondwana) mais aussi producteur et homme d’affaires, a trouvé le temps de venir à Niamey pour un spectacle lors du récent sommet de l’Union africaine, tout en surveillant les plans d’une école de comédie qu’il espère ouvrir d’ici deux ou trois ans.

« On n’a pas invité le Gondwana (au sommet de l’UA), donc le Gondwana s’invite. Le Gondwana vient réclamer sa place dans le concert des nations », plaisante Mamane, 52 ans, avant d’ajouter: « Je suis Gondwanais parce que l’Afrique est mon continent. Mais je suis fier d’avoir ce sang nigérien qui coule dans mes veines ».

– La malbouffe et le cannibale –

Né à Agadez, ce fils d’un haut fonctionnaire a sillonné les préfectures puis les ambassades en Afrique dans sa jeunesse avant de revenir à Niamey pour son baccalauréat puis entrer à l’université Haro Banda.

Puis il a rejoint la France pour y poursuivre des études de physiologie des plantes. « C’est là que je suis passé des plantes aux planches », résume-t-il, d’abord au théâtre puis comme humoriste à Paris et en faisant les premières parties d’artistes comme Ray Lema et Manu Di Bango.

Le « Gondwana » est né pendant ces années-là. « C »était l’époque de la +malbouffe+ (…) et un des stéréotypes récurrents malheureux de l’Afrique, c’est le cannibale: j’ai pris le problème à l’envers avec un cannibale qui s’inquiéterait de la bonne qualité de sa nourriture ».

Mamane espère que l’Afrique et son pays vont sortir du « Gondwana ». Il apporte sa pierre à l’édifice en lançant prochainement la construction d’une école de comédie, où il compte rassembler tous les métiers du spectacle et qui doit fonctionner comme un conservatoire.

« C’est à nous de nous prendre en main, de faire des projets au Niger, sinon on va passer notre vie à aller faire des choses à Dakar, Abidjan, Lomé ou Paris. Dans les années 1960-70, il y avait de grandes écoles sous-régionales à Niamey, qui était un carrefour. Il faut que ça revienne. »

Il ne faut pas « que les comédiens africains soient obligés comme moi d’être à Paris pour mettre le pied dans le métier », poursuit-il. « Un humoriste ne peut pas aller vivre à Paris, Chelsea ou Manchester comme les footballeurs. Il doit être avec les gens qu’il brocarde et vivre la réalité tous les jours ».

– « C’est le projet de ma vie » –

En périphérie de la ville, Mamane arpente un terrain désertique bordant des maisons pauvres et où se promènent des moutons faméliques. « L’école va surgir sur ce sable », explique-t-il. « Le talent va éclore (…) Cette école est le projet de ma vie ».

« Ca coûte beaucoup d’argent mais l’argent est là », affirme-t-il, assurant avoir le soutien de « l’Etat nigérien et d’institutions financières internationales », sans dévoiler les sommes en question.

Il entend ainsi « offrir un débouché pour des jeunes dans une région, le Sahel, qui est aujourd’hui au centre de la géopolitique mondiale avec le jihadisme, avec l’émigration ». Et dire qu' »on peut créer des emplois chez nous en Afrique ».

A ses yeux, il faut créer « des centres de formation en comédie, mais aussi dans des métiers beaucoup plus manuels. »

Un projet courageux alors que certains islamistes n’apprécient pas voire condamnent les métiers du spectacle. Le Festival international de la mode africaine (FIMA), du célèbre styliste nigérien Alphadi, subit depuis longtemps des pressions. En 2000, ses locaux avaient été vandalisés.

« Tout ce que les jihadistes n’aiment pas, c’est voir les gens vivre, prendre à bras-le-corps leur liberté. Ils veulent embrigader les gens et faire la loi », déplore Mamane.

« Nous sommes tous musulmans, chrétiens », dit celui qui entend fonder « une école pour apprendre la liberté aux gens, l’amour de la vie. Le vivre ensemble, c’est ce qu’on veut ».