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Pakistan : une longue histoire d’ingérence de l’armée dans la vie politique

La puissante armée pakistanaise affirme ne jouer "aucun rôle direct" dans les élections législatives du 25 juillet, mais des doutes…

La puissante armée pakistanaise affirme ne jouer « aucun rôle direct » dans les élections législatives du 25 juillet, mais des doutes persistent, alimentés par de nombreux précédents historiques.

Le Pakistan a été dirigé par les forces armées pendant environ la moitié de ses 71 ans d’existence.

Voici les grandes dates des principales interventions de l’armée en politique:

– Le chaos originel, un premier coup d’Etat –

Le Pakistan naît de la partition d’avec l’Inde en 1947, après avoir obtenu l’indépendance de la Grande-Bretagne. Le pays a vocation à accueillir la minorité musulmane du sous-continent.

Mais son fondateur Mohammad Ali Jinnah meurt moins d’un an plus tard. La décennie suivante, pas moins de sept Premiers ministres se succèdent.

Face à cette instabilité, le général Ayub Khan lance un premier coup d’Etat en 1958. Le général Yahya Khan prend sa suite en 1969. Le pouvoir n’est rendu aux civils qu’en 1971, après une guerre civile qui voit le pays se diviser en deux, donnant naissance au Bangladesh. Zulfiqar Ali Bhutto devient président.

– La pendaison de Bhutto, le deuxième coup d’Etat –

Ce fondateur du Parti du peuple pakistanais (PPP), devenu Premier ministre en 1973, nomme un nouveau chef des armées en 1976, le général Zia-ul-Haq, qui le dépose un an plus tard.

Zulfiqar Ali Bhutto est d’abord emprisonné, puis pendu en 1979. Le régime totalitaire du général Zia impose la loi islamique. Il organise des élections truquées. Zia meurt en 1988 dans un mystérieux crash d’avion.

– Benazir, Nawaz, et le troisième coup d’Etat –

Les civils reprennent le pouvoir. Benazir Bhutto, fille de Zulfiqar, devient la première femme à gouverner un pays musulman. Elle est toutefois destituée en 1990 pour corruption, des accusations qu’elle impute à l’armée.

Nawaz Sharif, de la Ligue musulmane pakistanaise-Nawaz (PML-N), lui succède. Il restera trois ans aux affaires, avant de restituer les rênes du pays à Benazir Bhutto, qui les lui remettra à son tour en 1997, à chaque fois au terme d’élections anticipées.

En 1999, le chef des armées Pervez Musharraf dépose Nawaz Sharif.

– De Musharraf à la démocratie? –

Musharraf se nomme président en 2001, tout en restant à la tête de l’armée.

Il autorise des élections en 2002, que remporte largement son parti, la Ligue musulmane pakistanaise Quaid-i-Azam (PML-Q), malgré des accusations de fraude massive.

Des élections législatives se tiennent finalement en 2008, quelques semaines après l’assassinat de Benazir Bhutto. Musharraf est défait. Le PPP forme un gouvernement de coalition.

Lors des législatives de 2013, le Pakistan connaît sa première transition démocratique entre deux gouvernements civils. Nawaz Sharif remporte le scrutin et devient chef du gouvernement pour la troisième fois.

– Nawaz et le ‘coup d’Etat silencieux’ –

M. Sharif cherche à améliorer les relations avec l’Inde, l’ennemi originel, ce qui menace l’équilibre des pouvoirs entre les civils et les militaires, dans un pays où l’armée a généralement le dernier mot en matière d’affaires étrangères et de défense.

La justice le destitue en juillet 2017 pour corruption, puis l’interdit de politique à vie. M. Sharif lance une campagne rejetant ces accusations et affirmant que son parti et lui-même sont ciblés par l’armée. Condamné à 10 ans de prison le 10 juillet, il est emprisonné.

Le Tehreek-e-Insaf party (PTI), le parti de l’ex-champion de cricket Imran Khan, en ressort renforcé, mais son leader est soupçonné de bénéficier de faveurs de l’armée.

M. Sharif n’est pas le seul à accuser les forces armées d’interférence en politique: plusieurs grands médias pakistanais et hommes politiques se sont plaints ces derniers mois d’avoir subi enlèvements, censure et menaces.

Ces pressions, comparées par des chercheurs à un « putsch silencieux », visaient selon eux à infléchir leur couverture politique avant le scrutin.

L’armée nie ces accusations. Elle assure ne jouer « aucun rôle direct » dans les élections.

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