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Pèlerinage d’Arbaïn : « la joie de servir » des volontaires iraniens

"La joie de servir les pèlerins d'Arbaïn est plus grande encore que celle procurée par le pèlerinage lui-même", assure Ali…

« La joie de servir les pèlerins d’Arbaïn est plus grande encore que celle procurée par le pèlerinage lui-même », assure Ali Noujouki, assis derrière sa machine à coudre sous une tente de fortune.

Installé à proximité de la douane de Mehran, dans l’ouest de l’Iran, M. Noujouki vient en aide aux fidèles qui se rendent en masse de l’autre côté de la frontière, en Irak, jusqu’à la ville sainte chiite de Kerbala.

Arbaïn, qui tombe cette année le 30 octobre, marque la fin du deuil de 40 jours observé par les chiites en mémoire du martyre de l’imam Hussein, petit-fils de Mahomet tué en 680 à Kerbala par les troupes du calife Yazid, dont Hussein contestait la légitimité à gouverner le monde musulman.

La « marche d’Arbaïn », que les fidèles sont appelés à accomplir autour de cette date jusqu’à Kerbala, est l’un des plus grands pèlerinages au monde.

Dimanche, les autorités irakiennes ont indiqué que plus de 1,6 million de pèlerins iraniens avaient déjà passé la frontière pour se rendre au mausolée de l’imam Hussein, une des figures saintes les plus vénérées des chiites. Selon l’organisation iranienne du pèlerinage, quelque 200.000 autres doivent encore suivre.

– Mille prières –

« Je raccommode vêtements déchirés et sac à dos ou je raccourcis les tchadors pour qu’ils ne soient pas souillés par la boue sur la route », raconte M. Noujouki.

Comme lui, des centaines de volontaires se mettent au service de leurs coreligionnaires à Mehran.

Leurs tâches sont variées. La plupart s’activent dans les « mokeb ». Ces tentes, parrainées par des organes d’Etat (forces armées, ministères, grandes banques) ou des groupes de bienfaisance islamique souvent constitués à l’échelle de mosquées locales, offrent un ravitaillement gratuit ou un toit aux marcheurs.

Certains volontaires distribuent des bandeaux dont ils aident les pèlerins à se ceindre le front et sur lesquels on peut lire « en chemin vers le Martyr » (l’imam Hussein), ou encore « Il viendra », référence au Mahdi, le douzième imam des chiites, occulté de son vivant, et qui doit revenir à la fin des temps.

Les membres du clergé ne sont pas en reste. Perché sur une chaise en plastique, Omran Soltani tient un Coran au bout de son bras tendu.

En file indienne, les marcheurs se succèdent pour embrasser le livre saint, en signe de respect, ou passer dessous afin d’obtenir la protection divine.

« Je fais cela pour que les pèlerins puissent atteindre Kerbala sains et saufs », explique le clerc trentenaire en « qaba » (soutane) noire et coiffé d’un turban blanc.

Venu de Qom, la capitale religieuse de l’Iran, dans le centre du pays, l’homme prodigue aussi de pieux conseils.

« Dites mille salavat [prière d’invocation à Mahomet, NDLR] et mille fois la formule de renonciation à Satan et inch’Allah, [les gardes-frontières] ne vous verront pas et vous passerez », dit-il à un groupe de quatre pèlerins lui demandant comment gagner l’Irak sans visa.

– Récompense suprême –

Comme Ali Noujouki, M. Soltani dit être là depuis une quinzaine de jours. En route pour Kerbala avec un groupe de clercs, il a commencé à proposer son aide au poste-frontière. Ravi de cet expérience, il a choisi de rester et d’attendre le jour d’Arbaïn pour rallier Kerbala.

À genoux sur leurs talons ou en tailleur sur une couverture à même le sol, trois autres mollahs s’occupent à des tâches plus matérielles: cirer les chaussures des fidèles.

« Il n’y a pas de plus grande récompense que de servir sur le chemin de l’Imam », explique avec enthousiasme Mohsen Mohebbi, ajoutant: « peu m’importe de qui je cire les chaussures, la langue des gens ou leur race ».

Les pèlerins qui passent par le poste-frontière ne sont pas seulement Iraniens. Ils peuvent aussi venir de pays voisins de l’Iran: Azerbaïdjan, Géorgie ou Pakistan.

Le pèlerinage de Kerbala était interdit aux Iraniens sous le règne du dictateur iranien Saddam Hussein, qui lança en 1980 une guerre de huit ans contre la jeune République islamique d’Iran.

Après sa chute en 2003, et l’émergence d’un pouvoir chiite à Bagdad, la route du mausolée de l’imam Hussein a été rouverte aux Iraniens.

Les autorités de Téhéran encouragent largement le voyage, qui peut s’accomplir à moindre frais.

Mollah de 46 ans venu du Nord de l’Iran et servant de la nourriture dans un « mokeb » parrainé par une branche provinciale des Gardiens de la Révolution, l’armée idéologique iranienne, Mohammad Taghi Ganji voit dans le pèlerinage « une marche d’unité et de solidarité entre chiites, sunnites, Perses et Arabes, gens de toutes classes sociales et de tout mode de vie ».

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