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RDC: la gratuité de l’école à la dure épreuve des travaux pratiques

Le chantier titanesque de l'école primaire gratuite en République démocratique du Congo se heurte depuis septembre à la colère d'enseignants…

Le chantier titanesque de l’école primaire gratuite en République démocratique du Congo se heurte depuis septembre à la colère d’enseignants mal payés et à des classes surchargées.

Qu’importe: le président Félix Tshisekedi a promis l’extension de la gratuité au secondaire et au supérieur. Un défi majeur en RDC, où 50% des quelque 80 millions d’habitants ont moins de 18 ans.

La gratuité est une mesure salutaire pour les Congolais ordinaires dont le revenu moyen plafonne à moins de deux dollars par jour. « Le taux d’extrême pauvreté serait d’environ 73% en 2018 », selon la Banque mondiale.

Officiellement, l’enseignement est gratuit depuis la rentrée du 2 septembre dans les établissements publics et ceux qui ont signé une convention avec l’État.

Une mesure très lourde à porter pour un budget national d’à peine sept milliards de dollars (prévision 2020).

Des syndicats d’enseignants d’écoles catholiques et protestantes conventionnées avec l’État ont lancé un mouvement de grève pour protester contre la chute de leurs revenus.

Le mouvement est parti du Sud-Kivu (est), où les professeurs ont suspendu les cours dès le 25 septembre. Ils affirment avoir touché seulement 120.000 francs congolais (75 dollars) après la rentrée.

Avant la gratuité, ils touchaient entre 250 à 450 dollars, quand leurs salaires étaient pris en charge par les parents, selon les syndicalistes.

La gratuité suppose en effet que les enseignants ne soient plus payés par les parents comme ce fut le cas depuis deux décennies, mais directement par l’État.

Ces mouvements de grève agacent les parents d’élèves. Les enseignants devraient « patienter » au lieu de « sacrifier l’avenir des enfants », estime Madeleine Bwenge, une mère de six enfants.

Dimanche 29 septembre, des messes ont été perturbées à Bukavu par des manifestants qui accusent le clergé de tirer les ficelles du mouvement de grève.

C’est précisément à Bukavu que le chef de l’État Félix Tshisekedi a défendu la gratuité de l’enseignement lundi soir.

« Nous l’avons souhaité parce que nous connaissons les difficultés des familles à pouvoir payer les frais scolaires », a-t-il déclaré.

– Des bourses –

« Nous allons continuer nos efforts pour que, dans les années qui viennent, cette gratuité passe au niveau du secondaire, ensuite nous irons au supérieur où nous avons l’intention de redonner des bourses aux étudiants », a-t-il ajouté.

Les enseignants ont repris les cours à Bukavu, mais pas partout ailleurs dans le pays, comme à Kinshasa.

Depuis la rentrée du 2 septembre, les cours n’ont même jamais commencé au collège Boboto, un établissement de renom tenu par des Jésuites.

« L’État n’a pas versé de frais de fonctionnement et a interdit en même temps la perception de tous les frais (à la charge des parents) », selon Jean-Denis Nzenza, professeur de Biologie.

La grève touche également des établissements à Goma (Nord-Kivu). Dans la région du Bandundu (centre), les enseignants « menacent d’aller en grève si la situation salariale ne s’améliore pas lors de la paye du mois d’octobre », a déclaré Novele Erasme, président de syndicat à l’issue d’une assemblée générale extraordinaire des enseignants de Kikwit.

Ces enseignants exigent un salaire d’au moins 206 dollars au lieu des 99 dollars reçus fin septembre.

La colère gronde aussi à Kisangani (nord-est): « Nous traversons un moment de grande incertitude que nous n’avions plus connu depuis un quart de siècle, grâce à la prime que nous payaient les parents d’élèves », explique un enseignant du collège Maele, un établissement catholique.

Les chefs d’établissement s’inquiètent également pour les autres agents – gardiens, sentinelles, agents de nettoyage – qui ne figurent pas sur les listes de l’État.

Certaines régions font pourtant exception. A Kananga, grande ville du Kasaï (centre) dont est originaire le président Tshisekedi, les salles de classe sont pleines, les élèves suivent les cours à même le sol, a constaté un correspondant de l’AFP.

Depuis le 2 septembre, « les enseignants et élèves sont présents chaque jour. Seule inquiétude: le nombre pléthorique des élèves », a résumé l’abbé Amandus Mbombo Kapapila, préfet du collège Saint Louis Bandayi.

De même à Matadi dans le Kongo-central, les cours avaient lieu normalement dans au moins trois écoles, a rapporté un correspondant de l’AFP. Les chefs d’établissements ont néanmoins affirmé que les frais de fonctionnement octroyés par l’État n’étaient « pas à la hauteur des besoins » de leurs établissements.

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