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RDC: un mois après, Tshisekedi à l’ombre de Kabila

Un mois après son investiture, le nouveau président de la République démocratique du Congo Félix Tshisekedi reste à la merci…

Un mois après son investiture, le nouveau président de la République démocratique du Congo Félix Tshisekedi reste à la merci de son prédécesseur Joseph Kabila, maître du jeu politique grâce à ses majorités à l’Assemblée nationale et dans les assemblées provinciales.

Le 24 janvier, la RDC célébrait sa première transition sans violence du pouvoir d’un président à l’autre. Depuis, le nouveau chef de l’État issu de l’opposition n’a toujours pas nommé un gouvernement qui lui permettrait de gérer le pays.

En politique intérieure, sa seule décision d’envergure a été la nomination d’un conseiller spécial en matière de sécurité: François Beya, l’ancien patron de la Direction générale des migrations (DGM, douanes, sécurité et renseignements).

Dans la perspective de la formation d’un gouvernement, l’ex-président Kabila a resserré les rangs de sa machine de guerre, le Front commun pour le Congo (FCC), coalition politique qui revendique 342 députés sur 485 après les élections générales du 30 décembre.

Pour éviter les débauchages, Kabila a fait signer un « acte d’engagement » à ses cadres, invités à reconnaître son « autorité morale ». Le document proclame aussi que le FCC doit se transformer en « plate-forme politique de gouvernement ».

« Certes, Kabila ne sera pas le président de la République des cinq prochaines années, mais il a la certitude d’être au cœur de la gestion de l’État. C’est à lui de proposer le Premier ministre. La composition du gouvernement passera également par lui », résume le Potentiel, principal quotidien du pays plutôt bienveillant envers M. Tshisekedi.

Cette situation est dénoncée par les alliés de l’autre candidat de l’opposition Martin Fayulu, qui revendique la victoire avec 61% des voix et dénonce un accord entre MM. Kabila et Tshisekedi au détriment de la « vérité des urnes ».

« Kabila s’apprête à entamer sa 19e année de pouvoir », ironise Salomon Kalonda, proche de l’opposant en exil Moïse Katumbi.

« Cette mise en scène orchestrée par Joseph Kabila est un signal clair à tous ceux qui ont rêvé d’alternance. L’homme fort du Congo a défini le périmètre du pouvoir qu’il consent à laisser au successeur qu’il a choisi », ajoute Olivier Kamitatu, directeur de cabinet de Moïse Katumbi.

A l’intérieur de ce périmètre de pouvoir, M. Tshisekedi a exercé au moins une fois son autorité. Il a refusé de lire un paragraphe demandant la levée des sanctions européennes visant 14 responsables du régime Kabila lors d’un discours devant le corps diplomatique. Le discours avait été écrit par le ministère des Affaires étrangères encore entre les mains d’un proche de M. Kabila.

– Frais de mission –

M. Tshisekedi a aussi réussi à conforter sa légitimité à la tête de la RDC lors de deux déplacements en Afrique. Il a notamment rencontré le président rwandais Paul Kagame, qui avait émis de « sérieux doutes » sur la crédibilité des résultats avec d’autres responsables de l’Union africaine (UA).

Contestée par M. Fayulu et ses proches, son élection est acceptée par la majorité des Congolais, qui attendent beaucoup de l’alternance.

La police et les services de sécurité se comportent désormais « de manière professionnelle ». « Une première au pays », selon Georges Kapiamba, avocat et président de l’organisation congolaise de défense des droits de l’Homme Acaj.

Dans le fief familial des Tshisekedi au Kasaï (centre), des centaines de miliciens Kamuina Nsapu ont déposé les armes, satisfaits de l’arrivée au pouvoir d’un enfant du pays.

Ayant fait de la lutte contre la corruption une de ses priorités, M. Tshisekedi a reversé 163.300 dollars dans les caisses de l’État, au titre d’un reliquat de frais de mission non dépensés après ses deux premières tournées à l’étranger.

« Ça marque une rupture avec les pratiques de tous les membres de l’ancien régime, à commencer par le président honoraire (Kabila), les ministres et mandataires qui n’avaient aucun souci de reverser le trop perçu public », se réjouit Me Kapiamba.

L’arrivée du nouveau président a enfin libéré un flot de revendications sociales dans les entreprises publiques, que l’exécutif peine à endiguer après avoir satisfait les demandes d’arriérés de salaires des agents d’une société de transport urbain à Kinshasa.

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