Politique Actualité




Seydi Gassama: «La classe politique est de mauvaise foi»

Le directeur exécutif d’Amnesty international section Sénégal a été, ce samedi, l’invité du Grand Oral. Devant Fatou Thiam Ngom sur…

Le directeur exécutif d’Amnesty international section Sénégal a été, ce samedi, l’invité du Grand Oral. Devant Fatou Thiam Ngom sur les ondes de la 97.5 Rewmi Fm, il a abordé plusieurs sujets d’actualité, notamment l’abrogation de l’arrêté Ousmane Ngom, le respect des droits humains au Sénégal, l’affaire Khalifa Ababacar Sall, entre autres. Morceaux choisis.

Pourquoi avez-vous jugé utile d’attaquer l’arrêté Ousmane Ngom devant la Cour suprême ?

Nous comptons attaquer l’arrêté Ousmane Ngom devant la Cour suprême. Certains membres de l’Apr ou de l’Etat pensent que les Ong n’ont pas le droit de saisir cette institution pour demander l’abrogation dudit arrêté. Je leur rappelle que ce n’est pas la première fois que les organismes de droits humains, y compris Amnesty, saisissent la Cour suprême du Sénégal. Nous l’avons fait plusieurs fois sous le régime d’Abdoulaye Wade. Nous le faisons sous le régime de Macky Sall, donc ce n’est pas une nouveauté. Nous avons eu parfois gain de cause devant cette Cour. Les partis politiques auraient dû faire des recours contre cet arrêté, ils ne l’ont fait. L’arrêté était devenu inattaquable et nous n’avions pas arrêté de réfléchir sur comment l’attaquer. Depuis lors, nos avocats étaient en train de réfléchir et je pense que nous avons maintenant les arguments juridiques pour l’attaquer. Et, nous allons l’attaquer. Si la Cour suprême dit le droit, je pense que l’arrêté sera abrogé. Car, cet arrêté viole plusieurs textes internationaux ratifiés par le Sénégal. Ces textes internationaux ont une valeur supérieure sur toutes les lois nationales. C’est la constitution qui le dit. L’arrêté viole la constitution et le code électoral ainsi que tous les textes internationaux. Il est malsain et déplorable que dans tout ce pays, des autorités actuelles qui avaient combattu cet arrêté, s’accrochent aujourd’hui à cet arrêté. Les autorités s’accrochent à cet arrêté illégal pour empêcher aux citoyens de manifester. Quand vous manifestez, vous le faites devant l’institution étatique qui est chargée de vous écouter. Donc, nous avons manifestement une classe politique (pouvoir comme opposition) de mauvaise foi dans ce pays. Ils jouent avec la liberté des Sénégalais et ils ne font pas avancer le pays. Aujourd’hui, le Sénégal qui était le phare de l’Afrique en matière de démocratie, en matière de droits et libertés, est dépassé par beaucoup de pays à cause de la mauvaise foi de cette classe politique qui ne voit dans le pouvoir qu’une manière de jouir des ressources du pays.

Donc vous notez des régressions par rapport au respect des droits humains au Sénégal ?

Il y a absolument régression et nous l’avons dit dans notre dernier rapport. Tous les jeunes qui ont été tués dans les commissariats depuis 2014 et personne n’a été arrêté. Le dernier policier qui a été arrêté c’est Boughaleb. Depuis lors, il y a eu près d’une dizaine de morts dans les commissariats et brigades de gendarmerie. Personne n’a été arrêté et personne n’a été inquiété. Les membres des forces de sécurité qui ont tiré sur des manifestants en 2012, à la demande des gens qui sont au pouvoir aujourd’hui, ces jeunes-là, à part ceux qui sont interpellés dans le cadre du meurtre de Mamadou Diop, qui n’ont jamais fait la prison, personne n’a été poursuivi. Quand on parle de cela, on parle de la douleur des familles et pas la douleur des communautés. Et le gouvernement dit qu’il ne faut pas en parler. Je précise que nous ne cherchons pas à plaire à un gouvernement. Nous sommes là pour accomplir une mission pour la population sénégalaise. C’est le jugement que les Sénégalais portent sur nous qui est important. Ce n’est pas le jugement des politiciens et d’ailleurs toute organisation de droits humains qui est ami d’un pouvoir en place est suspecte. Tous les pouvoirs du monde font des dérives. Aucune menace ne peut nous faire reculer. Nous défendons les droits des Sénégalais. Vous savez, les gens du pouvoir actuel sont tellement sectaires que lorsque vous n’êtes pas avec eux, vous êtes contre eux. Lorsque vous défendez le droit de manifester des opposants, vous êtes avec les opposants. Ils oublient que le droit de manifester et le droit à un procès équitable, c’est la loi qui le dit. Ce n’est pas à eux de nous dire ce que nous devons faire. Nous savons ce que nous faisons et nous le ferons avec détermination.

Si la Cour suprême n’abroge pas l’arrêté Ousmane Ngom, qu’est-ce que vous comptez faire ? 

Nous saisirons la Cedeao et nous irons devant la Cour des droits de l’homme des Nations unies. Je vous assure que le Sénégal sera désavoué. Car, les traités internationaux ratifiés par l’Etat du Sénégal sont juridiquement contraignants. En droit international, vous avez les « soft low » et les « hard low ». Et les « hard low » sont les traités internationaux ratifiés. Les autres, c’est des déclarations. Lorsque vous signez un traité, il devient obligatoire pour vous. Tout droit qui est dans ce traité et que vous ne respectez pas, est un manquement grave. Par ailleurs, tout Etat responsable doit respecter les décisions de la Cour de justice de la Cedeao. Maintenant, si un Etat fait preuve d’irresponsabilité, la Cour n’a pas de tribunal, d’armée pour venir imposer à cet Etat là ses décisions. Vous savez comment ça fonctionne en Afrique. Ce n’est pas la Cedeao qui va expulser le Sénégal de la Cedeao. J’espère que les gens vont se ressaisir. Le malheur dans ce pays, c’est que nous avons un Ministre de la Justice qui pense qu’il a toutes les lumières alors qu’il se trompe tout le temps. Chaque fois que le régime actuel veut atteindre un objectif du point de vue de la justice, ils piétinent tout.

Etes-vous d’avis avec ceux qui disent que la révocation du maire de Dakar, Khalifa Ababacar Sall, est valide ?

Le Président de la République a le droit de révoquer le maire de Dakar. La révocation est bien prévue par les textes que chacun interprète à sa manière. Ce qui est clair, c’est que le décret vise l’arrêté de la Cour d’appel de Dakar. Mais l’arrêté de la Cour d’appel personne ne l’a encore vu. Cet arrêté était susceptible de recours devant la Cour suprême qui était un recours suspensif. Donc, le Président de la République pouvait attendre. Même le délai de pourvoi suspend la décision de la Cour d’appel. C’est ça la vérité juridique mais, comme toujours, le Garde des Sceaux il vous expliquera qu’une chose est vraie et son contraire également vraie. Il va activer à ses côtés d’autres juristes qui vont également aller dans son sens. Vous savez, dans les pires dictatures au monde, ils avaient des juristes comme ça qui expliquaient tout. Donc, faisons très attention dans l’interprétation des lois. Les lois doivent toujours être interprétées dans le sens de protéger les droits humains et des personnes.

Suivez l'information en direct sur notre chaîne