Politique et foncier, sujets dominants dans la presse sénégalaise

Les journaux sénégalais, reçus mercredi à APA, continuent à décortiquer l’avenir politique de Khalifa Ababacar Sall, l’ancien maire de la ville de Dakar, sorti de prison dimanche dernier après sa condamnation dans le cadre de l’affaire de la Caisse d’avance.D’après WalfQuotidien, les dossiers de Karim Wade (actuellement en exil au Qatar) et de Khalifa Ababacar Sall sont « le prochain combat de l’opposition ». A en croire ce journal, « le Front de résistance nationale (FRN, opposition) ne veut pas se contenter de la libération de Khalifa Sall et de la poignée de mains entre Abdoulaye Wade et Macky Sall (vendredi dernier lors de l’inauguration de la mosquée Massalikoul Jinaan à Dakar) ».

Cité par WalfQuotidien, Cheikh Tidiane Seck, le président des cadres libéraux déclare : « Je me félicite de la première rencontre politique entre les présidents Abdoulaye Wade et Macky Sall, suite logique de leur rencontre privée du jour de la Tabaski à la résidence (de l’ancien chef de l’Etat). Les écueils sont nombreux et malgré l’enthousiasme et l’espoir enclenchés à Massalikoul Jinaan, il s’avère que la réalité politique demeure incertaine ».

Sous le titre « L’équation Khalifa », EnQuête indique que « le comeback du leader socialiste sur la scène politique donne déjà des cheveux blancs aux adversaires ». De l’avis de Maurice Soudieck Dione, docteur en Sciences politiques et enseignant à l’Université Gaston Berger de Saint-Louis (nord) interviewé par ce journal, « il semble hypothétique qu’il puisse revenir sans coup férir pour diriger le PS (Parti Socialiste, mouvance présidentielle), après cette forte rupture ».

Toujours dans EnQuête, Mamadou Oumar Ndiaye, le directeur de publication du quotidien Le Témoin, soutient qu’ « une réconciliation est tout à fait envisageable à l’intérieur du PS (puisque) l’obstacle (Ousmane) Tanor (Dieng) est levé ».

La socialiste Aminata Diallo, dans les colonnes du Témoin, admet qu’il y a des défis à relever : « Il faudra que (Khalifa Sall recouvre) ses droits civiques et politiques. Pour notre exclusion du PS, nous sommes (toujours) des militants. C’est un autre combat qu’il faudra gagner, sans oublier les législatives et la présidentielle de 2024 ».

En tout cas, l’ancien édile de la capitale est prêt à « mourir avec ses convictions », rapporte L’Observateur. Recevant hier à son domicile à Dakar les jeunes de sa coalition, il leur a martelé que « leur compagnonnage doit être basé sur la vérité », non sans les exhorter de « croire » en eux et de ne jamais être des « suiveurs ».

Accusé d’avoir détourné 1,8 milliard F CFA de la régie d’avance de la mairie de Dakar, Khalifa Ababacar Sall était en prison depuis le 7 mars 2017. Le socialiste avait été condamné à 5 ans de prison assortis d’une amende pénale de 5 millions F CFA.

Sur un tout autre sujet, le président de la République Macky Sall a informé, dans Le Soleil, que « plus de 90 % des alertes (qu’il reçoit) sur les risques de conflit viennent du foncier ».

Poursuivant dans le quotidien national, le chef de l’Etat a fait remarquer que dans le pays, le foncier est marqué par « une coexistence de terres immatriculées et une grande majorité de terres non immatriculées », avant d’en conclure que « cela pose problème ».

De ce fait, « Macky veut des actes », renseigne Le Quotidien. Le président de la République, s’exprimant hier au 31e Congrès des notaires africains, espère que « le rôle prépondérant des notaires (permettra) d’atténuer ces risques de conflits ».

Succession à Khalifa Sall à la tête de la ville de Dakar: La guerre des conseillers

La succession de Khalifa Ababacar Sall à la ville de Dakar aiguise bien des appétits entre les tenants du pouvoir et les partisans de l’édile socialiste. Mais, dans ce duel politique, seule la voix des conseillers est déterminante.

La bataille pour le contrôle de la ville de Dakar fait rage. En sourdine, la coalition au pouvoir et celle qui a porté Khalifa Sall à la ville de Dakar, en 2014, fourbissent leurs armes. Si au sein de la coalition Benno Bokk Yaakaar des tractations sont en cours pour décliner une stratégie concertée et consensuelle, en face, les pro-Khalifa Sall déploient toute une armada pour lancer la contre-offensive en jouant sur leur majorité. Même si, entre 2014 et 2018, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts, Taxawu Dakar reste toujours debout. Mais que reste-t-il, aujourd’hui, de la coalition de Khalifa Sall ?

Malgré les quelques défections notées entre-temps, les partisans de l’édile socialiste pensent toujours détenir la majorité au sein du Conseil municipal de la ville de Dakar. ‘’Au total, les conseillers de l’Apr et ceux qui ont fait défection dans nos rangs ne font même pas 30 sur les 100 que compte le conseil municipal. Je me demande d’ailleurs quel culot ils ont pour oser présenter un candidat, parce qu’ils savent qu’ils ne peuvent, en aucun cas, gagner’’, fulmine un haut responsable de Taxawu Dakar approché par ‘’EnQuête’’. La preuve, renchérit notre interlocuteur, depuis un an et demi que Khalifa Sarr est incarcéré, le conseil municipal s’est toujours réuni, a toujours eu le quorum et a toujours voté ses délibérations sans aucune difficulté. ‘’S’ils avaient la majorité, ils auraient provoqué un blocage durable du conseil municipal pour nous amener vers une délégation spéciale. Ils ne peuvent compter que sur le pouvoir de l’argent pour inverser la tendance’’, déclare notre interlocuteur, tout en se gardant d’épiloguer sur leur stratégie.

‘’Un plan de guerre n’est jamais dévoilé à l’avance. Comme nous sommes dans une posture de combat, on n’est pas là à admettre ce décret et ses implications. On les laisse définir leur stratégie. Mais ce qui est sûr, c’est qu’on ne se laissera pas faire’’, confie un autre cadre de Taxawu Dakar sous le couvert de l’anonymat.

Composé de 100 conseillers, le Conseil municipal de Dakar n’a jamais fonctionné sur la base de la règle de la majorité. Entre Khalifa Sall et ses conseillers, tout est d’habitude discuté en amont, de sorte que le vote s’est toujours fait presque à l’unanimité. D’ailleurs, en 2014, lors de l’installation du conseil municipal, sur les 100 conseillers votants, les 98 se sont prononcés en faveur de l’élection de Khalifa Sall en tant que maire, contre 2 bulletins nuls. Sa première adjointe, Soham Wardini, a été élue avec 93 voix, 0 suffrage contre et 7 bulletins blancs.

C’est dire que le Conseil municipal de Dakar a toujours fonctionné sur la base d’un consensus, de sorte qu’il est parfois même difficile de déterminer l’appartenance politique des uns et des autres. Dans le bureau du maire Khalifa Sall qui est un socialiste, on y retrouve Soham Wardini, première adjointe au maire, qui est de l’Alliance des forces du progrès (Afp) de Moustapha Niasse ; Moussa Sy, deuxième adjoint qui, lui, est une personnalité indépendante. Le seul socialiste présent dans le bureau municipal est le maire de la Médina, Bamba Fall.

Cela découle, en effet, d’une entente trouvée en 2014 entre les différents maires des communes d’arrondissement de Dakar.

Taxawu Dakar face aux défections

Ecartés des listes de Benno Bokk Yaakaar qui a voulu coûte que coûte mettre la main sur la ville de Dakar, Khalifa Sall et certains des maires sortant des communes d’arrondissement ont mis en place une liste commune sous la bannière de la coalition Taxawu Dakar. A l’issue du scrutin municipal de cette année, ils ont opéré une razzia, en raflant 16 des 19 communes d’arrondissement de Dakar devenues, entre-temps, communes de plein exercice avec la réforme de l’Acte 3 de la décentralisation. Seules les communes de Ouakam, Ngor et Yoff ont échappé à leur contrôle.

Ils ont ainsi gardé cette homogénéité jusqu’aux élections du Haut conseil des collectivités territoriales où ils ont enregistré des défections. Etant donné que c’étaient les conseillers municipaux qui devaient choisir les hauts conseillers des collectivités territoriales, la coalition de la mouvance présidentielle a manœuvré de fort belle manière pour retourner certains maires de commune contre Khalifa Sall. Ainsi, bon nombre d’entre eux ont fait défection. Il s’agit, entre autres, de Jean-Baptiste Diouf (Grand Dakar/Ps) ; Doudou Issa Niasse (Biscuiterie/Ps) ; Alioune Ndoye (Plateau/Ps), Santhi Agne Sène (Sicap-Liberté/Afp) ; Babacar Mbengue (Hann-Bel air/Afp) ; Pape Seck (Hlm/Afp) ; Samba Bathily Diallo (Ouakam/Ex-Bokk Gis Gis) ; Me Augustin Senghor (Gorée/Indépendant) ; Ousmane Ndoye (Fass-Colobane-Gueule tapée/Indépendant).

En plus de ces maires qui ont fait défection, la coalition au pouvoir a également d’autres conseillers au sein du Conseil municipal de la ville de Dakar. Le mode du scrutin proportionnel fait que même si Khalifa Sall et sa coalition ont opéré une razzia à Dakar, la coalition Bby a pu glaner des conseillers dans certaines communes. Aux Parcelles-Assainies, par exemple, sur les 7 conseillers qui siègent à la ville de Dakar, les 5 sont de Taxawu Dakar et les 2 autres de Bby. A Yoff, dans le fief d’Abdoulaye Diouf Sarr, la coalition de la mouvance présidentielle a raflé les trois conseillers sur les quatre qui siègent à la ville de Dakar. A la commune de Mermoz Sacré-Cœur, le seul conseiller que Bby a pu décrocher, il est de l’Afp et c’est Zator Mbaye. A Dakar-Plateau, les deux conseillers qui siègent à la ville de Dakar sont l’un de l’Apr et l’autre du Pvd de Serigne Modou Kara Mbacké.

Pour la succession de Khalifa Sall, la règle de la majorité va désormais s’appliquer à la ville de Dakar. Le camp qui aura le plus de conseillers dirigera la mairie de la capitale. Même si la coalition Taxawu Dakar semble avoir une longueur d’avance jusque-là, Bby peut inverser la tendance avec le soutien d’une vingtaine de conseillers. Mais pour les soutiens de Khalifa Sall, ce ne sera pas aussi facile que cela. ‘’Certes, les conseillers qui sont dans les communes ne sont pas forcément gérables. Mais ceux qui sont à la ville de Dakar le sont. Je sais que le régime peut déployer beaucoup de moyens financiers pour tenter de les acheter. Mais ce sera peine perdue, puisque la plupart d’entre eux sont avec Khalifa Sall et ils tiennent à leur dignité qu’on ne peut pas acheter’’, estime un proche de l’ex-édile de la capitale.

Zator Mbaye (Bby) : ‘’Les rapports de force ont changé’’

Toujours est-il que dans cette bataille politique, tout est aujourd’hui possible. Si, jusque-là, les pro-Khalifa Sall rechignent à dévoiler leur stratégie, c’est parce que le risque est trop grand pour que la coalition au pouvoir sorte les gros moyens pour provoquer de nouvelles défections dans les rangs de Taxawu Dakar. Déjà, relève Zator Mbaye, plus d’une dizaine de maires de Taxawu Dakar ont tourné le dos à Khalifa Sall. ‘’Il y a, aujourd’hui, 12 ou 13 maires sur 19 qui sont avec nous dans Bby. Les rapports de force ont changé, parce qu’en cinq ans, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts’’, déclare le partisan de Moustapha Niasse. Son allié Mamadou Wane du Parti socialiste de renchérir : ‘’Nous sommes actuellement en ballottage à la ville de Dakar. Et la situation est plus défavorable actuellement à Taxawu Dakar qu’à la coalition Bby. Sur les 19 maires de Dakar, les 11 ne sont plus avec eux. Si les conseillers des différentes communes suivent, Bby sortira victorieuse de ces élections. Mieux, si nous parvenons à décrocher d’autres maires comme Moussa Sy, c’est sûr qu’on va gagner.’’

Revenant à la charge, Zator Mbaye relève que dans le cas d’espèce, il n’y a pas de forces centrifuges. ‘’Le conseil municipal va voter pour une personne qui fera l’unanimité. Ce sera la personne en qui la majorité des conseillers aura investi de sa confiance. Pour le moment, les forces sont égales. Les conseillers sont des amis, des gens qui sont là et qui, à un moment ou à un autre, vont mettre l’intérêt exclusif de la collectivité devant’’, estime-t-il.

Au-delà de l’élection d’un nouveau maire, Zator Mbaye estime que la guerre entre la ville de Dakar et l’Etat n’a que trop duré. ‘’Il est temps d’arrêter les hostilités et de travailler pour l’intérêt exclusif des Dakarois. Je suis persuadé que la majorité des conseillers municipaux iront dans ce sens’’.

Quid du candidat qui sera désigné ou de son profil ? Réponse du conseiller membre de Bby : ’’Ça, c’est autre chose. Ce qui est clair est qu’un autre maire sera élu pour parachever le travail qui est enclenché depuis 5 ans et de faire bouger les projets. Parce que rien ne marche. Il y a eu une situation stationnaire.’’ Tout en estimant que la révocation de Khalifa Sall est une mesure de protection d’abord de l’institution municipale et de Khalifa Sall. Parce que, dit-il, ‘’on ne peut pas gérer 57 ou 60 milliards depuis une cellule de Rebeuss’’. ‘’Pour l’intérêt même des Dakarois, l’institution municipale devrait avoir un maire issu de la mouvance présidentielle, pour être en osmose avec la politique centrale de l’Etat. On ne saurait toujours avoir à la ville de Dakar des forces qui se neutralisent. Ça n’a aucun sens’’, déclare-t-il.