Burkina : Condamnation des appels au meurtre de journalistes

Plusieurs journalistes ont exprimé leur solidarité à leurs confrères.Le gouvernement a condamné, lundi après-midi, les appels à meurtre de journalistes, suite aux comptes rendus de la rencontre entre le capitaine Ibrahim Traoré et la société civile et la suspension de RFI dans le pays.

Dans une vidéo, à visage découvert,  Mohamed Sinon, l’un des responsables du Collectif des leaders panafricains a appelé, dimanche, via le réseau social Whatsapp, à « tuer » des hommes de médias qu’il a accusé d’être « des ennemis internes (…) et des complices » de la France. Il a nommément cité les journalistes Newton Ahmed Barry et Alpha Barry, fondateur du groupe Oméga Médias ainsi que leurs familles. D’autres membres de la même organisation ont appelé à s’en prendre à Lamine Traoré, journaliste à Oméga Média.

Les membres du Collectif qui affichent leur proximité avec le capitaine Traoré ont reproché à Oméga Média d’avoir révélé que le président a confirmé une tentative de coup d’Etat lors d’une rencontre avec la société civile.

Quant à Newton Ahmed Barry, les « leaders panafricains » l’ont accusé d’être un « complice » de la France lorsque le journaliste a jugé « illégale » la mesure de suspension des programmes de RFI au Burkina Faso.

Dans un communiqué, le porte-parole du gouvernement, Jean-Emmanuel Ouédraogo s’est inquiété de la « surenchère verbale » et des « dérives de langage » observées dans l’espace public allant de « l’appel à la violence physique, au saccage des biens jusqu’au meurtre des personnes ».

« Le gouvernement assumera ses responsabilités »

« Le gouvernement a appelé les auteurs à se ressaisir et l’opinion publique à se démarquer de tels agissements qui compromettent la cohésion sociale et notre vivre-ensemble. Il entend assumer pleinement ses responsabilités », a insisté M. Ouédraogo.

Dans l’après-midi, des membres du Collectif des leaders panafricains se sont opposés à l’arrestation de Mohamed Sinon, contraignant la police à rebrousser chemin. « Il a été arrêté dans la soirée », a confié une source policière.

En attendant les réactions des organisations professionnelles de journalistes, plusieurs hommes médias ont exprimé leur solidarité à leurs confrères et appelé à boycotter les activités dudit Collectif. 

L’Afrique face aux chocs pandémique, climatique et géopolitique (rapport)

Ces dernières années, le continent noir subit les conséquences de crises qu’il n’a pourtant pas provoquées.« L’Afrique sous le triple choc pandémique, climatique et géopolitique ». C’est le thème du 3e rapport économique de l’influent Think tank marocain Policy Center for the New South (PCNS) dont la présentation a eu lieu vendredi 4 novembre à Rabat.

À l’ouverture des travaux par visioconférence, Fathallah Oualalou, chercheur senior au PCNS, a déclaré que « ce rapport met en évidence les trois chocs qui ont traversé le monde ces dernières années, mais qui ont affecté l’Afrique ».

« Le premier, c’est le choc pandémique 2020/2021. Le deuxième est géopolitique avec la guerre en Ukraine et ses conséquences pour l’Afrique dans le domaine énergétique aussi bien pour les pays producteurs que pour les pays importateurs, mais aussi alimentaire et économique. Le troisième choc est climatique », explique M. Oualalou.

Coordinateur du rapport annuel du PCNS sur l’économie en Afrique, Larabi Jaidi soutient que l’activité économique sur le continent a été perturbée par les restrictions mises en place pour lutter contre la Covid-19, malgré le faible taux de prévalence. Pour amortir le choc, l’Afrique croyait pouvoir compter sur son secteur informel qui, selon le chercheur Akram Zaoui, « a toujours joué un rôle d’amortisseur dans des moments de récession en permettant à une certaine catégorie de travailleurs de basculer dans le secteur informel ».

« Avec le coronavirus, c’est le secteur informel qui a été le plus impacté et au lieu de jouer le rôle de stabilisateur économique, l’informel a joué un rôle de déstabilisateur », fait noter M. Zaoui lors du premier panel consacré aux performances, vulnérabilités et transformations en Afrique

Au sujet du choc climatique, le constat n’est pas non plus reluisant, selon les conclusions du rapport présentées à un public trié sur le volet ce vendredi. « L’Afrique représente l’une des régions les plus touchées par le réchauffement climatique », rapporte Larabi Jaidi, relevant qu’elle « fait face en 2021 à un nombre élevé de chocs naturels liés au climat : la diminution des précipitations montre une augmentation du stress hydrique dans diverses régions du continent, particulièrement en Afrique du Nord, de l’Ouest et en Afrique australe ».

À l’en croire, « les caractéristiques économiques de la plupart des pays d’Afrique, notamment dans les régions subsahariennes, ont amplifié les effets du changement climatique sur l’état social des populations ». Ce qui fait du changement climatique une réelle menace pour la stabilité des prix et la stabilité financière des pays d’Afrique.

Le continent noir doit aussi faire face à un troisième choc lié à la guerre russo-ukrainienne. En février dernier, la Russie a lancé une opération de « dénazification » en Ukraine voisine, entraînant des conséquences sans précédent sur le commerce international. « L’Afrique a connu la récession la plus grave de son histoire », souligne le rapport du PCNS, précisant que « le choc a pesé à travers un certain nombre de canaux ».

« Le premier concerne le prix des matières premières. La guerre en Ukraine n’affecte pas seulement le prix de l’énergie, mais aussi ceux d’un ensemble de matières premières, notamment les produits alimentaires », explique M. Jaidi. Selon ce dernier, « le deuxième canal est celui des tensions financières et plus globalement de l’incertitude qui affectent négativement l’investissement et la consommation ».

Enfin, « le troisième est celui du commerce extérieur. Au-delà du canal de la demande externe, il est probable que les économies soient aussi affectées par des perturbations sur les chaînes de production », détaille-t-il, prédisant « un risque croissant d’insécurité alimentaire et de troubles sociaux » pour « les pays fortement dépendants des importations de céréales en provenances d’Ukraine et de Russie tels que l’Égypte, le Maroc, la Tunisie, le Sénégal et la Tanzanie ».

Le malheur, c’est que « tant qu’il n’y a pas de possibilités de sortie de crise, il y aura toujours cette incertitude dans l’avenir ». En revanche, tout ne semble pas perdu. Face à ces chocs, « l’Afrique est porteuse d’espoir », soupire Fathallah Oualalou, préconisant « la nécessité de transformer les tissus productifs des pays africains, de diversifier leur économie pour qu’ils puissent sortir progressivement de leur dépendance par rapport aux matières premières ».

La pauvreté gagne du terrain au Sénégal

Entre 2011 et 2018, l’Agence Nationale de la Statistique et de la Démographie (ANSD) a recensé plus de 200.000 nouveaux pauvres.Les conditions de vie sont davantage précaires pour certains ménages au Sénégal. Les résultats d’une enquête harmonisée de l’ANSD, publiée ce lundi, montrent en effet que « le nombre de pauvres a augmenté » dans le pays. Ces personnes estimées à 5.832.008 en 2011 ont atteint 6.032.379 en 2018.

Déjà « en considérant la perception des ménages sur leur propre niveau de pauvreté, 50,9 % des Sénégalais se considèrent comme pauvres (soit 42,9 % pauvres et 8,0 % très pauvres) », rapporte le service officiel des statistiques du Sénégal.

Poursuivant, l’ANSD indique que le taux de pauvreté monétaire est estimé à 37,8 % en 2018-2019, soit une baisse du niveau de pauvreté de cinq points par rapport à 2011 (42,8 %) à l’issue des travaux de raccordement.

Si le taux d’extrême pauvreté est passé de 12,2 à 6,8 % sur la même période, la pauvreté par rapport au milieu de résidence est de son côté « plus accentuée en milieu rural » avec un taux de 53,6 % contre 19,8 % en milieu urbain.

Il ressort de l’enquête que les régions de Sédhiou (65,7 %), Kédougou (61,9 %), Tambacounda (61,9 %), Kolda (56,6 %), Kaffrine (53,0 %) et Ziguinchor (51,1 %) « sont les plus touchées ».

Le rapport note également « des disparités » sur l’accès aux services associés au logement (électricité, internet, eau, assainissement, énergie de cuisson) suivant le milieu de résidence du ménage et la situation de pauvreté. Ainsi, les populations de la zone rurale et les ménages à faible revenu « ont un accès plus limité à ces services ».

Par ailleurs, les ménages en milieu rural sont « généralement propriétaires de leur logement sans titre de propriété » tandis que les ménages locataires « se retrouvent majoritairement dans le milieu urbain. En moyenne, le nombre de personnes par pièce est plus important chez les pauvres que chez les non pauvres », poursuit l’enquête harmonisée sur les conditions de vie des ménages (EHCVM).

En outre, les données illustrent « l’insécurité alimentaire (qui) reste toujours une réalité au Sénégal ». Elle affecte plus le milieu rural, les pauvres et les régions de Kolda, Sédhiou (Sud), Kédougou, Tambacounda (Est) et Matam (Nord).

Initiée par la Commission de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemoa) et financée par la Banque mondiale (BM), l’EHCVM du Sénégal a porté sur un échantillon de 7156 ménages. Elle a mobilisé « d’importantes ressources financières et matérielles », d’après l’ANSD.

La collecte s’est tenue en deux vagues ayant duré chacune trois mois. La première s’est déroulée de septembre à décembre 2018 et la seconde d’avril à juillet 2019. Deux questionnaires ont été élaborés. L’un est administré aux ménages et l’autre conçu pour collecter des informations sur les localités de ces familles.

Le rapport de l’ANSD est publié au moment où la cherté de la vie irrite les Sénégalais. Macky Sall, lors du dernier Conseil des ministres, a instruit le gouvernement de veiller « à l’application intégrale des mesures de stabilisation des prix des produits de consommation courante sur l’ensemble du territoire ».

Le chef de l’Etat a aussi engagé ses ministres à « poursuivre la dynamique de préservation du pouvoir d’achat des ménages » en luttant « contre toute spéculation, rétention de stock ou augmentation indue des prix des produits et services essentiels notamment le loyer dont le système de régulation doit être évalué et amélioré de façon concertée ».

Présence Africaine a prôné l’idéologie fédératrice de la civilisation noire (Editeur)

La Maison d’édition « Présence Africaine » qui a célébré ce weekend à Paris son 70 anniversaire, a incarné l’idéologie fédératrice de la civilisation noire, avec une mission d’affirmer son existence et son écriture au monde, a fait savoir Mukala Kadima Nzuji, directeur des Éditions Hémar et ancien directeur littéraire à Présence Africaine.Pour l’écrivain congolais, ancien collaborateur (1971-1983) à Présence Africaine, par la création de cette Maison d’éditions, le Sénégalais Alioune Diop (1910-1980) affirmait la présence africaine dans le monde ».

« Présence Africaine, c’est l’affirmation d’une civilisation dans un contexte de déni. De tout cela, il y avait une idéologie comme toute activité humaine », a indiqué Mukala Kadima Nzuji dans une interview accordée à APA.

Rappelant le contexte colonial de la naissance de Présence Africaine, caractérisé par « le mépris du noir », il continue de dénoncer ces stéréotypes d’alors selon lesquels « l’homme noir n’avait pas de culture, pas de civilisation, pas de passé et donc pas d’histoire. »

L’écrivain congolais francophone reconnait par ailleurs que le philosophe sénégalais Alioune Diop avait pris le contre-pied des attaques des fascistes occidentaux qui à cette époque, pour avoir eu le courage de fonder Présence Africaine dans un contexte difficile.

« En créant en 1949 la Maison d’édition après la création de la Revue en 1947, malgré plusieurs tentatives des actions qui ont été menées contre Présence Africaine, Alioune Diop a tenu bon, contre les attaques fascistes occidentaux », a déclaré Mukala Kadima Nzuji.

Au-delà de la Revue, la Maison d’édition était également une tribune offerte alors aux écrivains noirs.

« Les productions de Présence Africaine nous ont nourris intellectuellement. Quand je dis, nous je parle de tous ceux de la génération, nous avons vécu à l’ombre de présence africaine, nous avons pensé, réfléchi un peu à la manière de présence africaine », a clamé l’écrivain.

A cet effet, l’ancien directeur littéraire de Présence souhaite que cette « mémoire » qui mérite d’être « entretenue et soutenue », classée « patrimoine culturel de l’UNESCO » pour son « long parcours dans des combats culturels, politiques, économiques ».

Cependant, le professeur de littérature estime que Présence Africaine doit continuer à publier en offrant plus d’espace aux jeunes auteurs.

Présence Africaine à besoin d’un « nouveau sursaut » ! (Poète)

Le thème de la commémoration ce weekend à Paris de la création de la Maison d’édition Présence Africaine, « 70 ans de transmission » est d’autant plus pertinent que « les générations futures ont le droit de savoir et surtout de perpétuer le combat ». C’est l’avis du poète Amadou Lamine Sall, Lauréat des Grands Prix de l’Académie française, dans une interview accordée à APAnews.Pour cette grande figure de la littérature sénégalaise et africaine francophone, la réussite de ce défi de la « transmission » exige de « ne jamais oublier l’esprit des anciens, des premiers pionniers. Ne jamais oublier ce qu’a été le combat de Présence Africaine et ce que doit rester Présence Africaine ».

72 ans après la création de la Revue Présence Africaine et 70 ans après celle de la Maison d’édition éponyme, M. Sall estime qu’aujourd’hui, très peu d’auteurs connaissent véritablement cette dernière et le rôle qu’elle a joué dans la défense et l’illustration de la littérature et de la pensée africaines francophones.

« Présence Africaine doit être plus vivante encore, plus opérationnelle, plus tournée vers la nouvelle génération d’auteurs africains. Elle doit s’ouvrir aux jeunes poètes et écrivains parmi les meilleurs », souligne le poète.

Face aux problématiques de l’heure, notamment le terrorisme, le changement climatique, le racisme dans la Diaspora, etc. l’urgence change de cap.

Le rôle « historique et admirable » de Présence Africaine à travers l’éclosion du « génie nègre » a été bien incarné par « des auteurs grandioses et difficiles à renouveler ».

« L’esprit de Présence Africaine est bien, bien loin. Elle-même ne le défend même plus comme il se doit ! », martèle « avec beaucoup de respect » le poète qui invite à un nouveau sursaut pour conduire sa renaissance par de nouveaux auteurs.

Présence Africaine, héritière des Négritudes !

« Alioune Diop restera celui qui a permis aux Noirs de s’exprimer. Sans cet outil qu’il a forgé, nous serions demeurés ce que nous avons toujours été : des muets », ainsi se réjouissait dans ses écrits Mongo Béti (1932-2001), l’auteur camerounais à propos de la création, il y a 72 ans, de la Revue Présence Africaine.La période post-seconde Guerre Mondiale marquée certes par la naissance de courants politiques dans la France métropolitaine, a surtout coïncidé avec un nouvel élan d’écrivains afro-francophones et antillais déterminés à revendiquer leurs identités culturelles et historiques.

C’est dans ce contexte, précisément en 1947, que le Sénégalais Alioune Diop créa la revue Présence Africaine.

En plus d’être mouvement et tribune pour l’intelligentsia noire, elle a permis l’éclosion d’une littérature « nègre » basée sur des idéaux différents mais tous liés à la cause noire d’après-guerre.

« Cette revue ne se place sous l’obédience d’aucune idéologie philosophique et politique (…)», dira dans le premier numéro son fondateur surnommé « Le Socrate noir » pour sa « maïeutique » en faveur de ses pairs écrivains.

Certes des associations noires – ou mieux, des réseaux littéraires afro-francophones et antillais – avaient déjà vu le jour en France, avant même le Comité de défense de la race nègre et le journal « La Voix des Nègres » fondés en 1926 par le Sénégalais Lamine Senghor. Ou encore l’association « La Ligue de défense de la race nègre » ou la revue « La Race nègre » créées l’année suivante.

Des auteurs comme Aimé Césaire, Léopold Sédar Senghor, Léon Gontran Damas, etc., symboliques pionniers de la Négritude ayant tous publié chez Présence Africaine, comme d’autres auteurs d’ailleurs, ont trouvé en cette revue, le lieu de rencontres et d’échanges.

« Présence Africaine a représenté une opportunité et a ouvert un lieu de débats. Les écrivains ont eu l’assurance de pouvoir publié », a rappelé à APA Dr. Abdoulaye Imorou, enseignant-chercheur à l’Université du Ghana.

Selon lui, « cette assurance s’accompagne d’une forme de liberté, celle de pouvoir écrire comme on veut ou en tout cas presque ».

Présence Africaine a donc permis aux écrivains noirs de pouvoir « décider des orientations de la littérature africaine », a souligné Dr. Imorou.

Cependant il est reconnu que le contexte colonial, jadis marqué par des censures de certains écrits revendicatifs, entravait l’émergence d’une pensée noire.

« L’époque de la naissance de la Revue Présence Africaine était plus compliquée qu’aujourd’hui parce qu’il y avait beaucoup plus de revendications », a indiqué à APA la petite-fille de Alioune Diop, Marie Kattié, chargée de communication de Présence Africaine.

Présence Africaine, c’est aussi une Maison d’édition

Au-delà de la revue, Présence Africaine incarna également le statut de réceptacle d’œuvres d’écrivains noirs. La Maison d’édition créée deux ans plus tard (1949) également par Alioune Diop, publia le premier ouvrage à polémique de Placide Tempels, « La Philosophie bantoue».

Cette publication somme toute courageuse, compte tenu des réticences des autres éditeurs d’alors d’obédience philosophique  partisane et d’intérêt franco-français, créa le déclic d’une nouvelle idée.  C’est « l’idée d’une libération des peuples noirs de la pensée, de notre présence, de notre existence ; car au fond, on était nié, on n’existait pas » dira Christiane Yandé Diop, la veuve de Alioune Diop.

A l’occasion de la commémoration ce samedi à Paris des 70 ans de la Maison d’édition « Présence Africaine », plusieurs figures de la littérature africaine, notamment Wole Soyinka, Ngugi Wa Thiong’o, Djibril Tamsir Niane, Théophile Obenga, se retrouvent pour rendre hommage à son fondateur Alioune Diop.

Cette célébration se tient dans le cadre des Universités de la Rentrée de Présence Africaine (URPA).

Plusieurs tables-rondes sont prévues autour du thème « 70 ans de transmission » pour célébrer cet anniversaire.

Pour Marie Kattié, le terme « transmission » renvoie naturellement au « but premier de Présence Africaine » qui est de « transmettre la culture, les idées des différents intellectuels depuis sa création ».

« Présence Africaine a exhumé les valeurs de l’homme noir » (écrivain)

La Maison d’édition Présence Africaine, qui célèbre du 26 au 27 octobre 2019 à Paris (France) son 70e anniversaire, a abattu un travail colossal en vulgarisant à l’échelle planétaire « les valeurs de l’homme noir », s’est félicité Alioune Badara Bèye, le président de l’Association des écrivains du Sénégal, dans un entretien avec APA.« Au moment où la France avait ses écrivains, il fallait une autre ouverture pour les littérateurs noirs. Nous devons beaucoup à Alioune Diop, cet homme de lettres. Car la naissance de Présence Africaine a énormément contribué à l’exhumation des valeurs de l’homme noir », a indiqué Alioune Badara Bèye.

En 1949, deux ans seulement après la création de la revue Présence Africaine, Alioune Diop met sur pied la maison d’édition éponyme. Son but est « de fournir aux penseurs, écrivains et chercheurs d’Afrique et de la diaspora, un espace de création et une caisse de résonance permettant à leurs productions littéraires et scientifiques, de connaître de meilleures conditions de diffusion et d’accessibilité à travers le monde ».

Dans un entretien accordé à Radio France Internationale (RFI), Yandé Christiane Diop, veuve d’Alioune Diop, se souvient qu’ « au fond, nous (Noirs) étions niés. On n’existait pas ». Présence Africaine a donc activement participé à la libération des peuples noirs et de leurs pensées.

Agée de 94 ans, Yandé est toujours la gardienne de l’immense héritage légué par son défunt mari dont le nom a été attribué à l’Université de Bambey (centre du Sénégal).

Dans cette exaltante mission, elle peut notamment compter sur le dévouement de sa fille Marie-Aïda Diop Wane.

Cette dernière souligne, sur RFI, que « ça a été très difficile (pour son père) de faire admettre certaines thèses comme celles de Cheikh Anta Diop qui, à ce jour, sont encore contestées. (Mon papa) s’était battu puisqu’il a fait imprimer sa thèse qui avait été refusée, même par la Sorbonne ».

Selon M. Bèye, auteur de l’ouvrage « Nder en flammes », « Alioune Diop, ce brillant intellectuel ayant œuvré pour le rassemblement du monde noir, est une fierté. Et c’est très heureux que ses héritiers, 70 ans après, puissent maintenir le flambeau ».

Pour que ce legs perdure sans coup férir, Marie Kattié, petite-fille d’Alioune Diop, chargée de communication de Présence Africaine, exhorte les jeunes particulièrement à s’intéresser à la littérature ancienne et contemporaine.

A l’avènement de Présence Africaine, presque toute l’Afrique était sous le joug colonial. Mais aujourd’hui, de nouveaux défis se présentent à cette maison d’édition : « Ce sont les sujets liés entre autres au climat, à la démocratie, aux libertés individuelles, au développement économique, à la géopolitique et aux conflits interafricains. Ces thèmes doivent être traités par les hommes de lettres qui sont des témoins de leur temps », analyse le président de l’Association des écrivains du Sénégal.

En soixante-dix ans d’existence, Présence Africaine a édité une ribambelle de livres dont « Sous l’orage » du Malien Seydou Badian, « Un nègre à Paris » de l’Ivoirien Bernard Dadié, « Le pleurer-rire » du Congolais Henri Lopes, « La préférence nationale » de la Sénégalaise Fatou Diome et « Le cercle des tropiques » du Guinéen Alioum Fantouré.

Alioune Diop, né le 10 janvier 1910 à Saint-Louis (nord), a effectué ses études primaires à Dagana (nord) puis secondaires dans sa ville natale. Il part en Algérie (1936-1937) pour y entamer une formation en Lettres classiques qu’il terminera à la Sorbonne (France). Après avoir enseigné dans plusieurs villes de l’Hexagone, cet ancien sénateur de la quatrième République française décède le 2 mai 1980 à Paris.