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Venezuela: Guaido accusé de comploter avec l’argent des sanctions américaines

Deux mois après s'être proclamé président par intérim du Venezuela, l'opposant Juan Guaido, soutenu par une cinquantaine de pays dont…

Deux mois après s’être proclamé président par intérim du Venezuela, l’opposant Juan Guaido, soutenu par une cinquantaine de pays dont les Etats-Unis, est accusé par le gouvernement d’utiliser l’argent des sanctions américaines pour financer des « opérations terroristes » dans le pays.

Depuis le 23 janvier, le Venezuela confronté à la plus grave crise de son histoire avec une économie au ralenti, une monnaie naufragée et des pénuries de tout, compte de fait deux « présidents »: Juan Guaido et le chef de l’Etat en exercice Nicolas Maduro.

Tous deux avaient convoqué samedi des rassemblements de leurs partisans, à Caracas « contre le terrorisme » pour M. Maduro, à Barcelona (nord-est) pour Juan Guaido, qui a entamé une tournée du pays destinée, compte-t-il, à le mener « jusqu’à Miraflores » le palais présidentiel.

M. Maduro et son gouvernement ont accusé Juan Guaido et son bras droit, le député Roberto Marrero arrêté jeudi par les services de renseignements, de fomenter des opérations terroristes avec l’argent de l’Etat bloqué par les sanctions américaines.

Selon Caracas, les Etats-Unis ont bloqué environ 30 milliards de dollars lui revenant.

– « énormes sommes » –

Le ministre de l’Information Jorge Rodriguez a affirmé à la télévision détenir des preuves selon lesquelles des « tueurs » recrutés au Salvador, au Guatemala et au Honduras « grâce à d’énormes sommes d’argent » ont été envoyés en Colombie voisine pour conduire des « assassinats sélectifs » et des « sabotages » des services publics vénézuéliens.

« Les conversations entre Guaido et Marrero prouvent qu’un milliard (de dollars) ont été alloués » au paiement de « criminels », a-t-il martelé.

« Nous voici, 60 jours plus tard, debout! », s’est écrié Nicolas Maduro à la tribune du rassemblement officiel. Entonnant l’hymne national « Gloire au peuple courageux », il a lancé: « Ecoutez ça à la Maison Blanche! »

« On continue dans la rue (..) on continue la lutte », avait indiqué auparavant M. Guaido sur Twitter, accompagné d’une vidéo le montrant saluant ses partisans.

Début mars, M. Guaido bénéficiait de 61% d’avis favorables contre 14% pour M. Maduro, selon une enquête de l’institut Datanalisis.

« Un tel scénario était inimaginable en 2018 », reconnait l’analyste Mariano de Alba. Mais, même « affaibli », M. Maduro « a réussi à maintenir une cohésion étonnante dans l’adversité ».

Surtout la forte mobilisation populaire et le soutien affirmé de Washington et de l’Union européenne, notamment, n’ont pas entamé la loyauté de l’armée envers le pouvoir.

Juan Guaido, un ingénieur de 35 ans qui qualifie M. Maduro d' »usurpateur » et juge sa réélection frauduleuse, reste le président de l’Assemblée nationale, seul organe dominé par l’opposition.

Depuis le 23 janvier, plus que jamais, Nicolas Maduro s’est accroché à l’armée, son principal soutien, agitant la menace d’une intervention militaire « impérialiste » de la part des Etats-Unis – menace entretenue par le président Donald Trump réaffirmant à plusieurs reprises que « toutes les options sont sur la table ».

– état d’alerte –

Cependant, ni l’UE ni le Groupe de Lima (13 pays latino-américains et le Canada), qui appuient Guaido, ne veulent d’une opération militaire.

Pour sa part, Juan Guaido s’est aussi dit prêt à demander au parlement d’autoriser une intervention militaire. Il lui a fait approuver « l’état d’alerte » qui, théoriquement, ouvre la voie à une intervention extérieure au titre de l’aide humanitaire.

Des dizaines de tonnes de vivres et de médicaments offertes par les Etats-Unis sont stockées aux portes du pays et bloquées par les autorités.

Les forces armées, auxquels le pouvoir politique a conféré des vastes compétences politiques et économiques, dont le contrôle de l’industrie pétrolière – le Venezuela détient les plus grandes réserves mondiales – a réaffirmé sa « loyauté absolue » au gouvernement et ignoré les appels de Washington et M. Guaido promettant amnistie et levée des sanctions en cas de ralliement.

Le dirigeant socialiste de son côté, ex-chauffeur de bus et syndicaliste de 56 ans, formé à Cuba, a systématiquement mis en avant le soutien de la Russie et de la Chine, les principaux créanciers du pays qui prennent systématiquement son parti dans les instances internationales comme au Conseil de sécurité des Nations unies.

La rupture entre l’armée et le pouvoir n’a pas eu lieu « parce qu’aucune offre crédible n’a permis à l’élite militaire de croire en la possibilité d’un changement » de régime sans risque, estime le président de Datanalisis, Luis Vicente Leon.

Pour cet expert, penser que M. Maduro ne partira que par la force encourage l’opposition à refuser toute forme de négociations pour « provoquer une fracture »: un scénario impopulaire selon lui, mais « toujours d’actualité » pour sortir de la crise.

– Dégradation majeure –

En attendant le Venezuela s’enfonce un peu plus. Le 28 avril entrera en vigueur l’embargo sur les exportations de pétrole qui assurent 96% du budget de l’Etat.

« La situation économique va terriblement s’aggraver et la population subir une nouvelle dégradation de son niveau de vie », prévient Mario De Alba, qui annonce simultanément une « répression » accrue.

Pour Vicente Leon, le temps joue contre M. Maduro avec le risque d’une « explosion sociale ».

Mais le temps qui passe est aussi risqué pour M. Guaido, car « plus le pays se détériorera, plus la patience de la population va s’émousser ».

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