Burkina: « Ils roulaient dans le marché et ils tiraient » sur la foule

« Ils roulaient à moto dans le marché et ils tiraient », a raconté à l’AFP Robert Ousseni Sawadogo, rescapé de la tuerie lundi dans la province Sanmatenga (nord du Burkina Faso), qui a coûté la vie à 36 civils dans les villages de Nagraogo et Alamou.

Lundi, « un groupe armé terroriste » a fait irruption au marché de Nagraogo, y a abattu 32″ personnes, « brûlé le marché et, dans son repli, (en) a abattu quatre autres au niveau du village d’Alamou », selon le gouvernement.

Depuis, des centaines d’habitants ont fui la zone pour aller vers le Sud, dépassant des camps de déplacés pour rallier Kaya, à une centaine de kilomètres au nord de Ouagadougou, la capitale.

Mécanicien, Robert Ousseni Sawadogo, 27 ans, réparait des motos à ce moment-là. « On était au marché en train de travailler, On a entendu que les +terroristes+ étaient arrivés. Ils ont fermé les trois accès au marché. Quand ils ont attaqué, là on s’est mis à courir, moi j’ai pu m’échapper mais j’ai des proches qui sont restés ».

« Ils étaient une quarantaine, sans exagérer. Ils sont venus à moto, la moitié partait d’un côté et l’autre de l’autre coté, ils étaient enturbannés. On ne voyait pas leur visage. Ils roulaient vite. Ils roulaient dans le marché et ils tiraient. J’ai eu la chance de pouvoir m’échapper », assure-t-il, le regard dans le vide, le visage marqué par la peur.

– Balle dans le casque –

Une fois à Kaya, il « a appelé pour avoir des nouvelles. Chacun est parti de son côté. Mais, après, on m’a cité les noms des gens qui sont morts. J’ai perdu des proches », ajoute le mécaniciens qui dit ne plus vouloir retourner dans son village tant que « ce n’est pas stabilisé ». Il va essayer de trouver un travail à Kaya, assure-t-il, assis devant la cour d’un parent, lui-même déplacé depuis plusieurs mois, où il a trouvé refuge.

Le mécanicien affirme que les jihadistes, sûrs d’eux, étaient venus à Nagraogo deux jours auparavant : « Je ne les ai pas vus, mais on m’a dit qu’ils avaient dit aux gens de dire aux FDS (Forces de défense et de sécurité) qu’ils étaient là et qu’ils n’avaient pas peur d’eux. Ils sont repartis. Deux jours après, ils sont revenus, alors que des FDS étaient venus au village et sont ensuite allés ailleurs ».

Lamine Sebogo, 27 ans, a lui aussi vu la mort de près, assure-t-il en montrant un impact de balle sur son casque de moto.

Lutte contre le terrorisme: Une magistrate insiste sur le « décèlement précoce » avant tout passage à l’acte

La présidente du tribunal pour enfants auprès du Tribunal de Grande Instance hors classe de Dakar, Mayé Diouma Diouf Diop, a invité, jeudi, à un élargissement du périmètre judiciaire par le ’’décèlement précoce’’ avant tout passage à l’acte, pour une meilleure efficacité de la répression dans la lutte contre le terrorisme.
’’Réadapter les procédures et les pratiques judiciaires pour l’efficacité de la répression, c’est élargir le périmètre judiciaire par le décèlement précoce et repenser la prise en charge judiciaire du terrorisme’’, a-t-elle déclaré dans son discours d’usage à l’occasion de l’audience solennelle de rentrée des cours et tribunaux, pour l’année judiciaire 2020, axée sur le thème ’’La lutte contre le terrorisme : un défi pour les Etats africains’’.
Cette nouvelle approche, a-t-elle dit ‘’implique un changement de paradigme en matière de politique pénale par la redéfinition du rôle du procureur de la Rrépublique dans les stratégies de lutte anti- terroriste et la mise en place de plateformes automatisées de recueil, de partage et d’analyse d’informations à but judiciaire’’.
Selon elle, ‘’la redéfinition du périmètre judiciaire est une exigence stratégique dans la lutte contre le terrorisme en Afrique’’, estimant qu’’’il n’est plus question, pour la justice, de rester dans une posture réactive qui est d’ordinaire l’essence même de son action’’.
’’La justice, par le biais du Procureur de la République, insiste-elle, doit désormais prévenir le passage à l’acte par la prise en charge précoce de la phase dite pré-judiciaire’’.
D’où l’intérêt ‘’de la judiciarisation du renseignement qui est une préoccupation majeure (…) située au cœur même du système de connaissance et d’anticipation de l’appareil d’Etat’’.

Le but, selon la magistrate, est de permettre aux autorités de ’’prendre des décisions éclairées et aux forces de défense et de sécurité d’empêcher la commission d’infractions, d’interpeller les individus menaçants et de recueillir des informations susceptibles de constituer des preuves’’.

Aussi, elle souligne que ’’cette judiciarisation du renseignement, fondamentale dans la prévention et la répression du terrorisme de par son apport décisif pour la surveillance de groupes extrémistes, désigne à la fois un objectif et un processus’’.
’’Comme objectif, elle permet la neutralisation de la cible, par son arrestation et sa détention probable avant son passage à l’acte. Comme processus, la judiciarisation du renseignement désigne la faculté d’intégrer aux procédures pénales les éléments recueillis dans la phase de renseignement’’, a-t-elle expliqué.
Sous ce rapport, a-t-elle précisé ’’la judiciarisation du renseignement permettrait de sécuriser les investigations entamées, de veiller à leur conformité à la législation et par conséquent d’éviter des causes de nullité ab initio (à la base) de nature à entacher les procédures concernées’’.
Toutefois, signale-t-elle ’’loin d’être un effet de mode ou une volonté de la justice de s’immiscer dans l’activité de la communauté du renseignement, ce concept est un outil efficace et approprié de prise en charge précoce des premiers signaux des activités des mouvements radicaux et terroristes’’.
’’C’est une des réponses à la volonté manifestée par les Etats africains, à défaut d’enrayer le risque terroriste par la prévention, de circonscrire le mal à partir des actes préparatoires’’, a-t-elle affirmé.
Selon elle, ’’l’autre enjeu de la judiciarisation du renseignement est de trouver l’équilibre entre d’une part, les exigences du droit à un procès équitable notamment le principe du contradictoire, d’autre part, la nécessité de préserver la sécurité et l’intégrité des citoyens, avec la problématique du maintien de la confidentialité de certaines informations’’.
Cette ‘’nécessité de préserver le secret-défense’’ se traduira, estime la magistrate, ’’par l’existence d’un niveau de sensibilité de l’information qui justifiera des restrictions qu’un Procureur de la République appréhendera aisément’’.
Pour cela, a-t-elle soutenu ‘’les acteurs engagés dans le renseignement doivent travailler en parfaite synergie entre eux et avec le procureur de la République, pour une prise en charge judiciaire précoce et efficace des situations à risque’’.
’’La cible, qui nous préoccupe tous, est de plus en plus complexe, dynamique, mieux structurée et en perpétuelle mutation. Seule une organisation supérieure à celle du mal, pourra constituer une réponse durable pour les Etats Africains’’, a-t-elle déclaré.

Une attaque maîtrisée pendant un exercice de simulation à Ziguinchor

Le dispositif sécuritaire anti-terroriste en œuvre dans la zone sud Sénégal a été testé jeudi avec succès à l’épreuve d’une attaque terroriste simulée que les forces de défense et de sécurité des régions de Kolda, Sédhiou et Ziguinchor ont finalement réussi à enrayer, a constaté l’APS.

Aux alentours de 15 heures, le centre-ville de Ziguinchor était déjà bouclé. Le plan de circulation complètement chamboulé. Des éléments des forces de défense et de sécurité meublaient les artères de la ville, alors que les manœuvres des « pick-up » et autres véhicules de sécurité suscitaient la curiosité chez les populations.

Un escadron de la gendarmerie, un peloton blindé, puis un autre peloton d’intervention de la GIGN basé à Cap-Skrring, des patrouilles vedettes qui ceinturent la mer par pirogues, beaucoup de bruits de bottes, du mouvement, des tirs, des cris, des victimes par terre, une prise d’otage vite maitrisée et quatre terroristes arrêtés, sans compter des éléments de la police judiciaire à l’œuvre dans une scène de crime.
C’est là le film d’un exercice de simulation qui vise à tester le dispositif de lutte anti-terroriste dans la zone sud.
« L’opération a été vite maitrisée en une heure et demi. Notre dispositif de lutte contre le terrorisme a été bien mis en branle. Il est bien testé. Nous avons mis à l’épreuve nos forces de défense. Elles sont très réactives », s’est félicité le colonel Amadou Ousmane Ba, commandant de la Légion sud de la gendarmerie nationale.
« Nous avons reçu une alerte faisant état d’une prise d’otage et d’une attaque terroriste au niveau du port de Ziguinchor. Nous avons saisi le gouverneur de région qui supervise les opérations avant de mettre en place un dispositif pour arrêter la tuerie et maitriser les terroristes », a expliqué colonel Ba, chef des opérations dans cet exercice particulier.
Cette opération s’inscrit dans le cadre d’un séminaire sur les enjeux de la sécurité dans la zone sud. Elle vise à tester la coordination dans la gestion d’une attaque terroriste, selon le commissaire de police principal Mamadou Tendeng, chef de la Division opération du cadre interministériel de coordination des opérations de lutte anti-terroriste.
Les comités régionaux de coordination des opérations (CRCO) des trois régions de la Casamance (Sédhiou, Kolda et Ziguinchor) ont été impliqués dans l’opération.
« Nous avons mis en place un dispositif sécuritaire qui vise à prévenir et à lutter contre le terrorisme. Cet exercice a permis de tester la capacité de réaction de nos forces de défenses et de sécurité en cas d’attaque terroriste. Il sert aussi à tester leur inter-opérationnalité dans le cadre d’une synergie qui englobe tous les corps de défense et de sécurité », a souligné le gouverneur de Ziguinchor Guédj Diouf.

La France invite les pays du Sahel à ne pas baisser la garde face au terrorisme

La France, par la voix de son premier ministres, Edouard Philippe, a exhorté, lundi, les pays du Sahel à ne pas baisser la garde face à la menace terroriste.
‘’Ce que nous jouons est important. Et je dis-nous parce que c’est un sujet d’intérêt commun pour les pays du Sahel, pour la France, pour le Sénégal. C’est une partie de notre sécurité d’aujourd’hui et de demain qui se joue ici et ne faut pas baisser la garde, si vous pouvez me permettre cette expression’’, a-t-il déclaré, en marge de sa visite à la gare du Train Express Régional (TER).
‘’La France a montré depuis quelques années, et montre systématiquement son engagement, son soutien à l’ensemble des initiatives qui sont prises par les pays du Sahel dans leur recherche et dans leur lutte pour la stabilité politique et pour la stabilité sécuritaire’’, a-t-il fait valoir
Il a souligné que son pays connaissait le prix de l’engagement de ses forces.
’’C’est un prix élevé, humain d’abord, militaire ensuite. Et vous connaissez l’engagement du président de la République (Macron) et de la France en générale au soutien de ces pays’’, a-t-il indiqué.
‘’J’observe d’ailleurs que ce matin, le président de la République sénégalaise et son homologue mauritanien ont salué l’engagement français, la constance de cet engagement et son intensité’’, a fait remarquer Edouard Philippe.
Il a insisté sur le fait que les chefs d’Etat sénégalais et mauritanien avaient appelé un certain nombre de pays, soit dans le cadre de l’ONU, soit plus largement, à participer à cet effort, à affermir le mandat d’un certain nombre d’opérations multilatérales en cours au Sahel.
Après la gare du TER, Edouard Philippe s’est rendu à la base navale dénommée Amiral Faye Gassama, du nom de premier chef d’état-major de la marine sénégalaise.
Sur place, il a assisté à une démonstration des forces spéciales sénégalaises. L’exercice consistait à libérer des membres de l’équipage d’un navire, pris en otages par des pirates en mer.