La société civile lance une campagne pour une nouvelle taxation sur le tabac au Sénégal

Une coalition d’organisations de la société civile vient de lancer une campagne de communication d’un mois dont le but est d’amener les pouvoirs publics à créer une nouvelle taxe sur les produits du tabac.
Cette campagne de communication est prévue pour durer tout le mois de septembre, a expliqué le Secrétaire exécutif de la Ligue sénégalaise contre le tabac (LISTAB), Djibril Wellé, dans un entretien avec l’APS.
L’idée de cette taxe est d’augmenter de 225 francs CFA le paquet de cigarette pour constituer un fonds spécial qui servira à financer les programmes de santé tels que la Couverture maladie universelle, la prise en charge des maladies non transmissibles et le Programme national de lutte contre le tabac (PNLT), a indiqué M. Wellé.
« Actuellement le tabac est taxé à 65% à l’usine mais c’est un système de taxation qui n’agit pas sur le prix. La taxe qui s’est répercutée sur le prix est la dernière augmentation de 20% en 2019 suivant une directive de l’Union économique et monétaire ouest africaine (UEMOA) », a-t-il dit.
D’où selon lui l’idée de créer une taxe spécifique différente de la taxe actuelle qui rapporte actuellement 24 milliards de francs CFA à l’Etat du Sénégal.
Cette nouvelle taxe devrait permettre de créer un fonds spécial qui ne sera pas logé au Trésor public de l’Etat mais qui ira directement aux programmes ciblées par la campagne, selon Djibril Wellé.
« Dans la plupart des pays du continent dont le Sénégal, le budget alloué au ministère en charge de la Santé reste insuffisant (moins de 15%). D’où le faible financement des programmes de santé qui se rabattent sur des partenariats avec des bailleurs extérieurs », a-t-il souligné.
Il a donné l’exemple du Programme national de lutte contre le tabac qui compte, a-t-il dit, sur un budget de fonctionnement de 40 millions de francs CFA par an. « C’est pourquoi pour dérouler certaines activités, le programme est obligé de se tourner vers des partenaires extérieurs pour le financement », a-t-il relevé.
Aussi, « la solution trouvée pour pallier ce sous-financement reste la taxation des produits finis du tabac qui est sous-taxé actuellement », a ajouté Djibril Wellé.
Des simulations faites avec des experts du service des impôts, des économistes du Consortium pour la recherche économique (CRES), partie prenante de la coalition, ont montré qu’en « augmentant sur chaque paquet de cigarette 25 francs, l’Etat peut récolter 18 milliards de recettes chaque année », a poursuivi M. Wellé dont l’organisation est le point focal de la campagne.
Les mêmes études tablent par ailleurs sur une baisse de la prévalence du tabagisme et une augmentation sensible des recettes fiscales en cas d’augmentation des taxes appliquées sur le tabac, a-t-il poursuivi.
La LISTAB, l’Institut panafricain pour la citoyenneté, les consommateurs et le développement (Cicodev) et le Consortium pour la recherche économique et sociale (CRES) se sont ainsi entendus pour mener ce plaidoyer afin d’inciter les autorités étatiques à revoir le système de taxation des produits du tabac, avec comme slogan : « Taxons le tabac pour financer la santé et la lutte contre le tabagisme« .
Les ressources escomptées peuvent constituer « une nouvelle niche pour renforcer le budget du ministère de la Santé et de l’Action sociale », fait valoir le Secrétaire exécutif de la LISTAB.
Les promoteurs de cette campagne justifient le choix porté sur les maladies non transmissibles pour bénéficier de ce fonds par le fait que 30% de ces maladies sont liées au tabagisme.
Ils signalent dans un document que leur campagne vise également la protection sociale des populations à travers le financement de la Couverture maladie universelle (CMU).
Comme expérience réussie dans ce domaine, le document cite l’exemple du Tchad où à travers une taxe spécifique prélevée sur des produits tels que le tabac, la bière et les jeux de hasard, l’Etat mobilise chaque année plus de 4 milliards en prélevant 100 francs CFA sur chaque paquet de cigarettes.
En Côte d’Ivoire, notent-ils, un prélèvement de 2% des taxes appliquées sur le tabac est affecté au financement du sport et aux programmes de lutte contre le tabagisme et le Sida.

La CICODEV recommande au Sénégal des stock de sécurité de denrées alimentaires

L’Institut panafricain pour la citoyenneté, les consommateurs et le développement (CICODEV) recommande à l’Etat de « mettre en place des stocks de sécurité pour garantir la disponibilité permanente des produits alimentaires sains et nutritifs de première nécessité à un coût acceptable pour les consommateurs les plus démunis ».
Il s’agit de permettre de « mieux faire face aux effets de la pandémie » de la Covid-19, souligne l’institut dans un communiqué évoquant une enquête menée en mai dernier par CICODEV Afrique.
Cette enquête a été conduite à travers ses 16 points focaux répartis dans les 14 régions du Sénégal, pour « recueillir l’avis et le ressenti des populations sur l’impact que cette crise a sur leur quotidien et leur sécurité alimentaire et nutritionnelle ».
« L’enquête menée par CICODEV révèle à suffisance qu’il existe de réelles menaces d’insécurité alimentaire qui peuvent engendrer un affaissement de l’économie nationale. Son objet s’inscrit en droite ligne de notre mission de générer des connaissances sur les impacts des choix et modèles des citoyens et d’informer, de défendre, de protéger, d’éduquer et de représenter les consommateurs, avec un accent particulier sur les droits des plus défavorisés », déclare Amadou Kanouté, directeur exécutif de Cicodev.
Le communiqué relève les conséquences des menaces immédiates des mesures de confinement sur la sécurité alimentaire en ville et dans les villages. Ces mesures « ont pu restreindre l’accès des populations à des ressources alimentaires suffisantes, diverses et nutritives », observe le document.
Il signale que « la fermeture du marché de Diaobé pendant huit semaines a entraîné un manque à gagner estimé à environ 5 milliards de francs CFA ».
« Les obstacles rencontrés par les producteurs sont essentiellement liés à la conservation des produits périssables, une situation difficile du fait de l’absence de centres de stockage dans certaines régions et des difficultés d’accès au crédit dans les banques », note le communiqué.
Devant cette situation, Cicodev invite les pouvoirs publics à « réduire autant que possible la dépendance du marché et surtout extérieur pour assurer la sécurité alimentaire de ses citoyens ».

Elle préconise aussi de « favoriser l’émergence de systèmes alimentaires (production, transformation, distribution, stockage, consommation, gestion des déchets) plus durables, plus résilients et plus favorables aux exploitations familiales locales ».

Les populations ont toutefois adopté des stratégies d’adaptation pour surmonter les difficultés engendrées par les restrictions liées aux mesures prises contre la propagation de la maladie à coronavirus.
« Dans les localités de Fatick, Kébémer, Tambacounda et Ziguinchor, les populations s’organisent pour s’approvisionner lorsque les légumes ou poissons sont à bon prix. Certains achètent et stockent des grandes quantités de produits alimentaires (riz, sucre, lait, dattes, œufs…) afin de prévenir les ruptures de stock. Tandis que d’autres s’approvisionnement en denrées périssables pour ensuite les mettre au frais à côté du canari ou chez les voisins qui possèdent des réfrigérateurs », indique la CICODEV.
Elle note que « la livraison à domicile à travers Internet ou par téléphone fait également partie des mécanismes de résilience notés dans certaines localités ».