Mort d’Abou Bakr al-Baghdadi : « l’idéologie djihadiste reste attractive » (analyste)

Malgré la disparition d’Abou Bakr al-Baghdadi, calife autoproclamé du mouvement terroriste Etat islamique (EI), tué le weekend dernier dans un raid américain dans la province d’Idleb (Syrie), l’idéologie djihadiste est toujours attractive, a reconnu le journaliste et veilleur analyste spécialiste des mouvements djihadistes Wassim Nasr.« L’idéologie +djihadiste+ reste attractive parce qu’elle répond à des griefs bien réels que ça soit de la jeunesse européenne ou dans la plupart des pays africains », a fait remarquer, Wassim Nasr dans une interview accordée à APA.

« Les réponses sont à trouver au niveau éducatif, social, économique, pas qu’au niveau militaire », avertit l’analyste français qui estime que la solution militaire n’aura qu’un revers militaire.

Même si la mort d’al-Bagdhadi est un coup moral qui va perturber Daech dans l’immédiat, Wassim Nass souligne qu’à moyen et long terme, le groupe terroriste va trouver un nouveau chef dont « le choix sera déterminant ».

D’ailleurs pour son compatriote Romain Caillet, chercheur sur les questions islamistes, il faudra « se demander quelle va être l’autorité du successeur » d’al-Baghdadi, surtout en Afrique où on note « un clivage » entre les jihadistes nigérians Abou Mosab Al Barnaoui et Abubakar Shekau, tous deux leaders autoproclamés de Boko Haram (EI en Afrique de l’ouest).

Même le défunt chef de l’EI avait « tranché en faveur » du premier, Shekau continue d’avoir des troupes qui lui sont « toujours fidèles », précise M. Caillet dans une interview accordée à APA.

Dans ce contexte de clivage devenu mondial, le professeur Abdou Latif Aïdara du Centre d’études diplomatiques et stratégiques (CEDS) soutient que la disparition de Baghdadi n’aura donc aucune incidence +positive+ sur le plan sécuritaire international.

« Les mouvements djihadistes sont comme une hydre, à chaque fois que vous coupez une tête, elle repousse et parfois sous une forme plus dangereuse », souligne M. Aïdara.

A en croire Abdou Latif Aïdara, Aboubakar al-Baghdadi ne commandait plus les troupes de l’Etat islamique, mais il avait plutôt un leadership idéologique. Et c’est à travers ce dernier, souligne l’expert international en analyse géopolitique, que le leader de l’EI « a réussi quelque chose d’extrêmement important et subtile, voire sournois : inoculer dans le tissu social des individus qui n’obéissent qu’à eux-mêmes ».

Partant de ce constat, il souligne qu’«il n’y avait pas d’organisation horizontale ou verticale où al-Baghdadi donnait des ordres » et que le mouvement a eu le temps « de faire sa mutation » pour obtenir l’envergure mondiale qu’elle a aujourd’hui.  

Toutes choses qui font dire à l’enseignant au Centre africain d’intelligence stratégique que « la mort d’Aboubakar al-Baghdadi ne signifie pas la fin de Daech, loin de là. De même que la mort de Ben Laden n’a pas sifflé la fin du mouvement Al Qaïda ».

ARD/Dng/APA

Mort d’al-Baghdadi : les groupes terroristes du Sahel et le défi de l’auto-gestion (consultant)

La mort annoncée dimanche du chef de Daech d’Abou Bakr al-Baghdadi, soulève depuis lors des interrogations sur l’avenir des mouvements djihadistes, affiliés à l’Etat islamique en Afrique particulièrement dans le Sahel, qui sont désormais contraints « à s’organiser et à s’autogérer », a expliqué le chercheur et consultant français sur les questions islamiques, Achraf Ben Brahim dans une interview accordée à APA.« Je pense que ces structures +au Sahel+ seront finalement appelées à s’organiser et à s’autogérer. Parce que le commandement de Daech (acronyme de l’EI en arabe) va être en proie à des conflits, j’imagine internes, pour la succession d’al-Baghdadi », souligne le consultant français.

Suite à la mort d’al-Baghdadi annoncée dimanche par le président des Etats-Unis, Donald Trump, à la suite d’une opération des forces spéciales américaines dans le nord-ouest de la Syrie, dans la région d’Idleb, Ben Brahim doute de la capacité de Daech de tenir de manière ardue l’organisation et la stratégie des groupes terroristes dans le Sahel.

Homme le plus recherché au monde avant son décès, il s’était autoproclamé leader de cette organisation qui « s’est étendue en Afrique à la faveur des conflits ethniques et la chute de Khadafi et de la Libye » en 2011.

Ces évènements « ont été l’un des premiers arsenaux dans lesquels les mouvements djihadistes (affiliés à Daech) se sont armés », ajoute le chercheur français, auteur en 2016 de « L’Emprise, enquête au cœur de la Djihadosphère ».

Par ailleurs, leur ascension au Sahel a été surtout constatée au Nigéria et au Cameroun avec le groupe Boko Haram ainsi qu’au Mali avec « Adnane Abou Walid al-Sahraoui (qui) est le chef des combats au nord et qui a prêté allégeance à Daech en 2015 ».

Si Abdoulatif Aidara, enseignant au Centre d’études diplomatiques et stratégiques (CEDS) de Dakar, estime que « la mort d’Abou Bakr al-Baghdadi ne signifie pas la fin de Daech », la réorganisation de ses ramifications dans le Sahel va s’annoncer « compliquée » , selon Achraf Ben Brahim.

Cependant « une chose est sûre, c’est que ces mouvements ne disparaîtront pas » et le danger restera « important » sur le côté opérationnel, prévient le consultant français.

Par ailleurs « la mort de Baghdadi changera peut-être quelque chose au niveau de la symbolique » en plus des « affaiblissements » que connaîtront les groupes affiliés à Daech dans le Sahel.

Achraf Ben Brahim estime toutefois que leur force réside dans le fait « qu’ils sont capables de se transformer et de s’organiser malgré les défections et les morts de dirigeants ; parce que ce sont des organisations qui sont rompues à la clandestinité ».